Mamusicale vous proposait il y a quelques temps un autre type d’interview, afin de découvrir les métiers autour de la musique, et nous avions commencé par le métier d’ingénieur du son. Mamusicale réitère l’exercice en vous proposant cette fois de découvrir le métier d’attaché de presse web. Pour cela, j’ai rencontré Delphine Caurette, responsable de WEB PROMO, média du digital et spécialiste de la communication online pour les artistes.
Merci beaucoup Delphine de me recevoir en cette période difficile car cela fait une semaine jour pour jour que les attentats ont eu lieu.
Peux-tu nous dire en quoi consiste le métier d’attaché de presse ?
Je vais essayer de faire une réponse simple. Le métier d’attaché de presse n’est pas uniquement lié aux métiers de la musique. L’attaché de presse est une personne qui fait le lien entre un projet, un produit, une personne, un lieu, une entité, et les médias. Il va faire en sorte de mettre en relation ce pour qui ou quoi il travaille, et les journalistes, afin que la presse parle de ce projet ou de ce produit. Beaucoup de gens pensent que les attachés de presse écrivent des articles mais ce n’est pas du tout le cas, un attaché de presse n’écrit jamais d’article. Ils écrivent éventuellement des communiqués de presse, qui vont amener les journalistes à avoir des informations. Il faut bien faire la différence avec les journalistes qui eux écrivent des articles. En ce qui me concerne je fais le lien entre un artiste et les médias.
Quel est le cursus pour faire ce métier ?
Il y a des écoles de communication ou des écoles comme l’EFAP, qui est une école vraiment spécifique qui forme notamment les attachés de presse et tous les métiers de la communication en général. En revanche c’est un métier qu’on apprend à 80% sur le terrain. Il y a forcément des bases d’écriture, des bases pour s’adresser aux médias, de connaissance des médias ou de l’environnement de la communication en général, mais le métier en lui-même s’apprend sur le terrain. Après, quel que soit le secteur dans lequel on va travailler, on arrive avec une base mais on va s’adapter. Moi je m’occupe d’artistes, si demain je dois travailler pour la mairie de Paris par exemple, et si je deviens l’attaché de presse de la ville de Paris, j’ai une base et j’ai une façon de travailler, je sais comment approcher les médias, je sais comment on leur parle et je sais comment on les considère, en revanche, je ne connais pas les médias avec lesquels je vais devoir travailler et il y a tout un contexte et un apprentissage à faire au niveau du secteur d’activité dans lequel on va aller. Pour prendre l’exemple d’un boulanger, qu’il soit boulanger chez Lenôtre ou qu’il soit son propre patron, globalement il est boulanger. Les attachés de presse eux doivent s’adapter au secteur dans lequel ils se trouvent.
Quel a été ton parcours pour en arriver là ?
J’ai fait l’EFAP, j’ai un cursus assez basique. Pendant cette période j’ai fait beaucoup de stages pendant lesquels j’ai appris le plus de choses possibles aussi bien sur le plan théorique que sur le plan pratique. Et je suis rentrée par accident dans une maison de disque et ensuite j’ai tout appris sur le terrain. Et aujourd’hui 98% de ce que je sais je l’ai appris sur le terrain.
Quelles qualités faut-il pour faire ce métier ?
Il faut aimer communiquer, aimer rencontrer, aimer discuter, aimer être au cœur d’un groupe. Il ne faut pas aimer travailler tout seul dans son coin. Il faut être plutôt passionné car ça a un côté commercial dans le sens où on doit convaincre des gens que ce dont on leur parle est formidable, intéressant, indispensable etc… On est un messager, donc on doit être porteur de quelque chose, il faut donc être convaincu et passionné de ce qu’on défend. C’est intéressant aussi d’avoir de la personnalité, car la personnalité de l’attaché de presse va aussi faire beaucoup dans son travail.
Quelle évolution professionnelle peut-on avoir dans ce métier ?
On peut avoir plusieurs choix. C’est compliqué de parler en général car ça va dépendre des secteurs. Globalement quand on est attaché de presse on peut l’être au début, décider de le rester ou évoluer vers d’autres produits. Sinon sur le plan hiérarchique, je vais parler pour la musique typiquement, on peut devenir manager, conseillé artistique, on peut décider de faire de la com en général, ou devenir conseiller en communication dans d’autres domaines. Mais je pense que c’est une question de nature d’être attaché de presse. C’est un métier très spécial avec un profil et un fond particuliers, et souvent les attachés de presse le restent car c’est leur truc. Tu es fait pour, ou tu ne l’es pas. Tu as la fibre ou tu ne l’as pas.
Peux-tu nous décrire ta journée type ?
Non parce que c’est jamais pareil. Mais moi tous les matins je fais défiler Facebook, Twitter, et différents sites internet. Je pige aussi tout ce qui va concerner les artistes pour lesquels je travaille. Et après c’est complètement différent car il y a des jours où on est au bureau toute la journée, d’autres où je suis en interview avec mes artistes, d’autres où je suis sur des tournages, des jours où je suis en réunion de travail. Ça bouge beaucoup. Mais c’est vrai que tous les matins je suis sur les réseaux sociaux.
Avec quels médias travailles-tu essentiellement ?
Je suis spécialisée, donc je travaille essentiellement avec les médias digitaux, les sites internet, les webzines, les blogs, les sites des médias.
Que faut-il faire pour se faire connaître lorsqu’on débute dans ce métier ?
Une attachée de presse qui débute doit tout d’abord se raccrocher à quelque chose qui va la porter, c’est-à-dire qu’elle doit débuter en se raccrochant à un produit, qui peut être une marque, une personne, un objet, bref… Le mieux est d’être raccroché dans un premier temps à une agence, une entité ou à une marque, où elle va apprendre et se développer. Et si elle est toute seule et qu’elle veut par exemple promouvoir un jeune humoriste inconnu, elle s’accroche, elle remonte ses manches et elle compte sur sa personnalité et sa passion.
Comment se passent les prémices d’une collaboration ? Est-ce un attaché de presse qui contacte un artiste ou l’inverse ?
En général, ce sont les artistes qui contactent les attachés de presse car ils sont à la recherche d’une équipe pour travailler avec eux. Cela ne se fait pas forcément en direct, ça peut passer par leur maison de disque pour ceux qui en ont, mais tous les artistes n’ont pas forcément une maison de disque. Pour ma part j’ai été rattachée à des maisons de disque pendant 5 ans. Ça fait 15 ans que je suis indépendante. Je n’ai jamais démarché et je ne suis jamais allée proposer mes services ou chercher à travailler pour telle ou telle personne. On est toujours venu me voir, mais il est évident que parfois il y a des attachés de presse qui se disent : “j’aimerais bien travailler pour untel ou pour tel truc, et tenter le coup”. Pour ma part, je n’ai jamais eu à le faire ni forcément l’envie ou le besoin.
Quels sont tes critères pour choisir de travailler avec un artiste ?
C’est extrêmement simple pour moi, travaillant dans la musique, c’est la personnalité de l’artiste et sa musique, point barre. Ça me plait ça me plait, ça me plait pas, ça me plait pas. Il n’y a pas cinquante milliards de paramètres. C’est très personnel, c’est complètement subjectif, ça ne s’explique pas, j’écoute sa musique ça me plait. Si la musique ne me parle pas, je n’y vais pas.
Et si la musique te parle mais que tu n’accroches pas avec l’artiste ?
Ça m’est déjà arrivé, mais pas depuis que je suis indépendante, car depuis que je suis indépendante je choisis vraiment les projets pour lesquels je travaille. Quand on travaille au sein d’une maison de disque, typiquement ça peut arriver que tu travailles pour un artiste que tu n’aimes pas mais dont tu aimes la musique, mais tu dois faire ce qu’on te demande. Après il peut y avoir une raison pour laquelle tu acceptes de travailler pour un artiste que tu n’aimes pas forcément sur le plan personnel mais dont tu aimes sa musique, c’est sa notoriété. Ça peut t’apporter beaucoup et tu peux apprendre et découvrir d’autres choses. Pour ma part, j’essaie de mixer et le côté personnel et le côté musical.
Que faut-il faire pour faire une bonne promo lors de la sortie de l’album d’un artiste ?
Je crois que si on avait le secret, on aurait moins de difficulté dans cette corporation. Si on savait faire de la magie. Je ne peux pas dire précisément ce qu’il faut, en tout cas il y a quelque chose de fondamental, il faut une certaine cohésion de tous les différents paramètres. Il y a plein de paramètres autour de la promotion d’un artiste et du lancement d’un artiste. Tous ces différents paramètres, tous ces différents acteurs se coordonnent et s’emboitent parfaitement les uns dans les autres. Malheureusement ça ne fonctionne pas toujours comme on voudrait que ça fonctionne. Il peut y avoir des accidents et tu ne sais pas pourquoi ce coup-là ça marche alors qu’en fait par exemple, il y a 3 ou 4 artistes aussi bien et du même genre qu’on a essayé de lancer avant, ça n’a pas marché et tout d’un coup celui-là marche. Ce qui rend les choses difficiles mais qui rend le côté un peu magique aussi, c’est que justement tout n’est pas toujours bien écrit au départ.
Quelle collaboration t’a le plus touchée ou marquée durant ta carrière ?
Je crois que c’était à mes débuts, car c’était tout nouveau, je découvrais beaucoup de choses, j’apprenais beaucoup et du coup, je me suis retrouvée à travailler avec des artistes qui étaient déjà installés, ou pas, et je pense que c’est ça qui m’a marquée le plus. Je ne dis pas qu’après je me suis habituée, mais entre guillemets, c’est devenu mon job. C’était l’époque où je travaillais dans un label qui était une petite famille, 20 ans après d’ailleurs on continue à se voir. C’est là où j’ai beaucoup appris. C’est l’époque où j’ai travaillé pour IAM, The Smashing Pumpkins, Massive Attack, Les Négresses vertes, Les Rita Mitsouko, des artistes divers et variés. C’était vraiment très intéressant et surtout c’était les débuts donc je découvrais tout ça.
As-tu une anecdote à nous raconter ?
En ce moment je travaille avec un groupe qui s’appelle Birdy Nam Nam, et dans ce groupe Birdy Nam Nam, il y a des membres d’un vieux groupe qui n’existe plus, qui s’appelle Alliance Ethnik. Je m’occupais d’Alliance Ethnik, à leur grande époque, et on a fait une émission de télé dans laquelle il y avait James Brown, et je ne me souviens plus si c’était pendant les répétitions ou pendant leur passage, je me suis retrouvée à danser avec James Brown. Sinon un autre moment qui m’a marquée c’est une longue discussion avec Davide Bowie. Je faisais Taratata avec The Smashing Pumpkins, et lui était venu pour faire un duo avec eux. A l’époque j’étais jeune et très impressionnée.
Est-ce facile de concevoir vie professionnelle et vie privée ?
Non pas du tout. C’est très compliqué. Par contre je pense que c’est plus simple quand tu travailles pour un produit. Moi je travaille pour des êtres humains, ça vit, ça bouge, ça change d’avis, c’est malade, c’est en retard. Dans la musique, on a des activités le soir, le week-end. On ne travaille pas de 9h à 17h30. Chez nous les 35 heures, c’est plutôt sur 2 ou 3 jours que sur 5. Etant indépendante, c’est encore pire. Je suis encore plus impliquée, je travaille tous les jours, même le week-end. Je suis tout le temps à regarder mes mails, à avoir une idée, à penser à telle ou telle chose à faire. L’attaché de presse par exemple qui s’occupe de la télé d’un artiste, va passer sa vie sur des plateaux télé à droite à gauche jusqu’à pas d’heure le soir, en tournage ou autre. Il ne faut surtout pas choisir ce métier si tu veux un métier cool. Il y a beaucoup de rush, comme dans tous les métiers de la communication, on est toujours en retard, tout est à faire pour la veille, on n’est jamais prêts.
Penses-tu que ce métier soit plutôt un métier d’homme ou un métier de femme ?
Sur le plan des compétences, c’est complètement identique. Quand on est comme moi et que l’on travaille pour des personnes, c’est surtout une question de feeling et de personnalité et non pas de sexe. Le métier d’attaché de presse est je pense un métier historiquement plus féminin. Pour ma part, je connais plus de femmes attachées de presse que d’hommes. Après ça va dépendre du secteur d’activités dans lequel tu es. Typiquement je me vois mal être attachée de presse d’une entreprise de travaux publics. Si tu prends le secteur de l’automobile, je pense qu’il y a plus d’hommes. Tu as beaucoup d’hommes attachés de presse aussi dans la mode. J’ai fait l’EFAP il y a 25 ans et il n’y avait que des filles. Dans le domaine de la musique c’est assez mixte. Ici chez Sony, il y a plusieurs labels, et c’est très mélangé. Pour conclure je dirais ce n’est pas un métier d’homme, ce n’est pas un métier de femme, c’est un métier de feeling.
Pour en revenir aux attentats du 13 novembre, y a-t-il eu un chamboulement au sein même de l’activité ?
Totalement, un impact énorme parce que le métier de la musique est une toute petite corporation. On a tous été directement ou légèrement indirectement touchés sur le plan personnel et du coup ça a impacté toute l’industrie car tout s’est mis en stand bye, tout a été retenu, tout a été arrêté, des délais de mise en place, des délais de mise en avant de promotions de communications ont été stoppés et du coup décalés. Sur le plan commercial je pense que c’est encore pire, car les gens ne se sont pas déplacés pour acheter des disques ou même aller sur le net pour commander tel ou tel album, je pense que tout le monde avait d’autres priorités. Tu m’interviewes une semaine après jour pour jour, et depuis ce matin je n’ai parlé pratiquement que de ça. Le lundi, mardi et mercredi qui ont suivi, il ne s’est rien passé. On était tous sidérés et aucun d’entre nous n’avait envie de communiquer à l’extérieur, ni décemment ne se sentait de le faire. On a été ultra impactés.
Merci Beaucoup Delphine de nous avoir fait découvrir ton métier.
Merci à toi
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