Tété nous offre la primeur de découvrir son nouvel album. Une invitation au voyage dans le coeur de l’Homme et dans le temps. Un retour à l’essentiel pour mieux retrouver notre Pierrot Lunaire souvent caché et parfois oublié ..
Ton nouvel album Les chroniques de Pierrot Lunaire sort le 7 octobre, c’est la dernière ligne droite pour toi ?
Tété : Oui et je peux dire que j’ai hâte de pouvoir le proposer au public et de repartir sur les routes.
Ce nouveau disque nous plonge dans un univers acoustique, très épuré, avec des batteries assez légères. C’est un retour aux sources pour toi vers le folk et le blues de tes débuts ?
Tété : Effectivement, je suis un chanteur de rue. J’ai commencé en terrasse et dans les bars en jouant en acoustique. Après, j’ai eu la chance d’avoir du confort pour enregistrer mes albums. Mais petit à petit on s’éloigne de la version brute des choses. L’histoire de l’album c’est celle d’un gars qui n’arrive plus à gérer la réalité, il n’a plus sa place. Il se rend compte que ce qui ne va pas ce n’est pas la réalité mais le regard qu’il porte sur celle-ci. Il va donc être amené à retrouver son regard d’enfant. En fait, j’aimais bien l’idée qu’artistiquement et musicalement l’album soit le pendant de ce qui est écrit par rapport à ce personnage. Et puis, même nous on doit changer notre regard, ne serait ce que par rapport à la planète qui ne peut pas cracher des ressources premières à ce rythme là.
Tu as tourné en acoustique avant de sortir ce nouvel album, est-ce que cela a influencé les chansons finales ?
Tété : Oui car sur ce style de musique on ne peut savoir le rapport qu’on entretient avec un riff ou des accords qu’une fois qu’on a pu les jouer en concert. Les yeux des gens donnent le vrai regard sur les chansons. Grâce à certains concerts j’ai compris le sens profond des chansons. Par exemple, le titre Persona non grata qui parle d’un auteur n’arrivant plus à écrire et bien je l’ai chanté sur un site industriel qui devait fermer. Le regard des gens était si intense que cela m’a aidé à comprendre que la chanson aborde naturellement la perte d’identité et du déclassement dans la société.
Cette épure vient-elle aussi de la volonté d’aller dans le ressenti premier, d’être tout simplement vrai ?
Tété : On dit « pour voyager loin, il faut voyager léger » et toutes ces idées présentes sur le nouvel album sont venues en plusieurs temps. Sur la tournée précédente on était 10 sur la route et à la fin de celle-ci j’ai eu envie de quelque chose de plus léger. Particulièrement dans les temps comme les nôtres il ne faut pas oublier d’où l’on vient. Pour moi, c’est une musique de la ruralité avec le folk et le blues. Des styles joués par des gens pour qui c’était pas le métier, en acoustique, dans un dépouillement. Ce voeu de sobriété était une envie et un besoin avec une raisonnante à la course dans laquelle nous sommes tous engagés. Cela amène aussi à l’idée plus large de consommer mieux, moins et différemment.
Les chansons se font écho à travers cet opus. Ecrire telles des chroniques c’était une sorte de renouveau pour toi dans l’écriture ?
Tété : Exactement. J’avais trois ou quatre chansons éparses dont je sentais bien qu’elles venaient de la même énergie mais que je n’arrivais pas à articuler. Je n’avais pas de fil rouge et je me suis dit : « Mais si … C’est l’histoire d’un pierrot lunaire ». A partir de là, l’écriture a pris une tournure différente. Les chansons sont pensées comme des chapitres dans un livre. Tu vois par exemple on sait que le héros a un problème avec la réalité, il doit partir pour trouver l’inspiration mais est ce qu’il a dit à sa femme qu’il partait ? Il faut une chanson pour expliquer cela, etc. C’est difficile de se réinventer sans trahir sa signature mais ça fait toute la magie de l’exercice.
C’est une écriture très observatrice sur le monde et les hommes que tu nous proposes ?
Tété : On ne peut pas faire abstraction de ça. Les changements dans l’industrie musicale font que les artistes ont plus les pieds sur terre, je crois. Il y a une phrase qui me revient « la réalité aura toujours plus d’imagination que le meilleur des auteurs ». Je trouvais ça juste jusqu’à un certain point, et c’est vrai que malheureusement ce n’est pas toujours pour le mieux. Je pense notamment à tout ce qui s’est passé depuis un an et demi, je pense au Brexit, aux politiques pris la main dans le sac … Tous les jours le réel rivalise d’ingéniosité pour repousser les limites de l’improbable.
On suit des routes, on s’inflige des barrières en grandissant, on oublie l’essentiel et on s’oublie tout simplement c’est ce dont tu parles à travers les chansons ?
Tété : Oui c’est ça. Quand on grandit votre environnement vous amène à vous responsabiliser. Il faut avoir les pieds sur terre, être fonctionnel mais parfois il arrive qu’on perde aussi le contact avec cet enfant rêveur dont je parle. On est dans un monde où tout est normé, il faut que tout marche tout le temps et c’est difficile d’être soi là-dedans. Je trouve que c’est important de sanctuariser une partie de soi. On a le droit de faire exister l’enfant un peu gauche qui est enterré sous des couches.
Ton album nous fait passer par différentes étapes. Celui-ci débute par le titre la réalité sur lequel tu chantes « la réalité, j’suis pas son jouet ». On continue avec des interludes significatifs comme candeur, tragique infortune et dénouement. Enfin, on retrouve la chanson ma bohème en concluant par ces mots « ma bohème est souveraine ». C’est un cheminement de vie que tu nous proposes ?
Tété : Oui je voulais que ce soit un fil narratif. Cet album est un peu un huit clos entre cet homme, l’enfant qu’il était et son ego. La voix qui chuchote sur les interludes c’est son ego qui lui tend des pièges. C’est une manière de raconter ce qui se joue en nous. On a valorisé la compétitivité à outrance mais je trouve que le plus important n’est pas d’être meilleur que le copain mais plutôt d’être la meilleure version de soi-même.
Tu vas repartir sur les routes avec tes nouvelles chansons, comment va s’exprimer ce Pierrot Lunaire en live?
Tété : Je suis très impatient de partir sur les routes car ces musiques prennent leur dimension sur scène. Le dépouillement dans l’enregistrement se retrouve dans la tournée car on sera deux sur scène. Il y a un rapport au temps et à l’enjeu différent, ce que je veux c’est mettre les gens et la musique au centre. Mon métier c’est de raconter des histoires et moins vous êtes sur scène et plus vous pouvez changer la structure au dernier moment. Tu vois, ces dernières années j’ai aussi fait de la télé et c’est génial de revenir à son métier et de réduire la voilure au niveau de la taille des salles. Ce sont les gens qui font vivre un répertoire, c’est un vrai dialogue et comme je dis souvent « à bientôt pour un concert en bas de chez toi ».
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