Un live de SOAN, c’est toujours un moment particulier et unique. Un artiste entier, qui vit sa musique comme peu de personnes. C’est aussi une philosophie qu’il défend de toute son âme et son cœur. SOAN nous a accordé une interview lors de son passage à Paris aux Trois Baudets le 15 décembre, un moment fort.
Te voilà de retour à Paris, une ville qui a plusieurs visages. Paris je t’aime, moi non plus. Un passage incontournable pour la musique….
Je ne sais pas ! Pour les jeunes, maintenant, c’est encore incontournable. Je pense qu’il faut y venir pour chopper des contacts à un moment donné. Tu vois, moi je me suis tiré et ça ne change rien ; à part 5 heures de train quand j’ai besoin de parler à quelqu’un (rire…). J’ai un confort de vie largement supérieur sur tous les niveaux.
Tu sais, à Paris, tout le monde gagne 1 200 € et je trouve que de payer 800 € de loyer, c’est n’importe quoi. A l’époque, j’ai habité 14 ans à Paris, on rigolait. C’était un genre de petit Barcelone. Ménilmontant, c’était une rue où il se passait quelque chose. Tous les soirs c’était la fête, il y avait de la musique dans la rue etc… Mais cette époque est finie ! Tu fais ça aujourd’hui, tu as les flics dans la rue 20 minutes plus tard. Quel est l’intérêt de vivre à Paris, de payer tout trop cher et de parler avec des gens très désagréables. Et depuis les attentats, n’en parlons plus, le marasme est installé pour longtemps.
Tu as sollicité les gens via Ullule, pour ce nouvel album. Le crowfunding est-il le moyen moderne de financer un disque, le seul moyen de rester libre pour un artiste et de faire ce qu’il aime ?
Peu importe que ça soit Ullule ou autre chose, le plus important c’est que je sois en contact direct avec les gens. Le crowfunding n’est pas du tout un choix. Je me suis fait jeter de chez Sony alors que mon précédent album était le meilleur que j’ai fait. Mon nouvel album à venir, lui, est juste une parenthèse. Il sortira normalement avant le printemps 2017dans les bacs. Mais c’est comme un trip ! Tu peux ne pas être très funky et kiffer une fois par an d’aller à Walibi avec tes enfants. Mes fans, c’était mes enfants et moi le papa qui les emmène à Walibi.
Mais en fait, faire appel au crowfunding, ce n’est pas un choix. Les maisons de disques ne font plus leur travail. Elles sont mortes artistiquement à peu près au moment de Myspace en 2003. Il y a des directeurs artistiques qui n’avaient plus besoin d’aller prospecter des petits groupes dans des bars et cafés concerts pour repérer la scène française ou autre chose. Ils n’avaient plus ce besoin parce qu’ils pouvaient le faire de leur bureau tranquillement en prenant des règles de coke et en fumant des joints. C’est exactement ce qu’ils ont fait. Je pense qu’ils s’y connaissent de plus en plus mais dans la manière de vendre des barquettes de frites et pas dans la manière de créer des frites.
« Celui qui aboie », treize titres à paraître en acoustique. La musique acoustique te correspond-elle mieux ?
Cela a été enregistré dans une pièce de 8 ou 9 m2 avec la batterie et tout le reste. C’était un choix de ma part. Pour ce nouvel album c’est ce que je voulais. C’est-à-dire que j’ai toujours fait mes choix, non pas en fonction des maisons de disques mais en fonction de ce que disent les chansons. Là, il fallait un truc de vivant, presque comme quand on joue dans un bar ou alors que les gens nous aient dans leur salon. C’est un album cadeau pour mes fans.
« The hurricane », une chanson en anglais. On dit que la langue française est plus riche, qu’en penses-tu ?
« The Hurricane » est une nouvelle version d’une ancienne chanson. Je pense que l’on dit ça parce que avant Bob Dylan la voix et le texte étaient des instruments. Ça ne racontait rien en fait. C’est comme aujourd’hui dans le game du rap, il y a des gens qui font du flow, juste. Et puis d’un coup il y a des gens qui ont mis du texte comme Bob Dylan. C’est la même règle du jeu aux USA, tu n’as qu’à voir Pearl Jam, comment ils ont dû passer par des structures plus indépendantes au moment où ils ont chanté des trucs intéressants. Mais je ne pense pas qu’il y ait de différences. J’écris quand l’inspiration vient aussi bien en français qu’en anglais. C’est toujours mon petit mélange de parfums.
Avec qui as-tu collaboré sur ce nouvel album?
Que des potes ! C’est-à-dire les musiciens de la précédente tournée plus un pianiste génial, David et aussi un pote à moi qui a un studio mastering. C’est d’ailleurs à lui que j’ai dit que j’étais sûr que l’on pouvait enregistrer dans son petit studio. Il me disait : « laisse tomber ils vont te jeter des graviers ! » et je lui ai dit : « mais de toute façon on m’en jette déjà alors ne te prend pas la tête ».
As-tu eu envie de faire des duos sur ce disque ?
Pas sur celui-ci. Les chansons ne s’y prêtaient pas. Mais sur l’album d’avant il y avait un duo avec Djazia Satour. C’est une personne magnifique, elle fait un art magnifique.
Qu’est ce qui est le plus important pour toi aujourd’hui dans la vie ?
Vivre ! J’ te dis ça mais j’essaie de me l’appliquer à moi-même tous les jours. Je passe beaucoup trop de temps à faire autre chose que de la musique. C’est ça le problème aujourd’hui ! On dit aux artistes qu’ils peuvent s’auto produire, oui bien sûr mais on perd un peu la notion de créativité aux dépens du commercial, mais dans le sens être un commercial pur. C’est-à-dire qu’il faut s’intéresser aux chiffres des ventes, des trucs auxquels je n’en avais rien à foutre avant. Quand j’étais en label, je m’en foutais complètement des ventes. Je n’aime pas trop ce nihilisme qui consiste à dire : « tout le monde peut s’autoproduire ». Oui mais tout le monde peut-il se diffuser ? Et ça, ça me fait chier parce que c’est faux, c’est une légende. Si tu n’as pas un appui derrière…. IL y a encore Ruquier et d’autres gens qui me suivent et qui font que je vends des disques mais si je n’avais pas ça, je ne pourrais pas faire mon truc dans mon coin.
Qu’est ce qui t’énerve le plus actuellement dans notre société ?
Certainement Macron, Fillon !
La politique, tu veux dire !
Moi je me suis épanoui dans les années 90 et la politique nous touchait de loin et maintenant elle nous touche de très près. Macron est fils de banquier qui va nous expliquer qu’il est anti oligarchie ou même Sarkozy qui a essayé de le faire. Mais rappelons-nous qui bossait avec qui ? Macron bossait pour les Rothschild par exemple. Il y en a marre de ces gens qui font une espère de communication en permanence et qui ne sont vraiment pas sincères. C’est pour ça que je suis devenu pote avec Mélenchon. Au départ je n’en avais rien à foutre de rencontrer Mélenchon et il n’en avait rien à foutre de rencontrer Soan. Mais on se retrouve tous les deux dans le même cas de figure, on a tous les deux envie de vérité. On a tous les deux envie que la société ne s’effondre pas, la société française telle qu’on l’a connue dans les années 90 où Rage Against The Machine passait à la radio etc… Tout ça c’est fini aujourd’hui, mais au nom de quoi, de qui ? C’est une petite minorité de personnes qui a décidé que l’on ne vivrait plus librement. Donc ça, ça m’exaspère à outrance !
De toute façon, je sais ce qu’il va se passer… ; Déjà moi j’arrête, je suis militant et après le prochain album j’arrête, quitte à remonter un groupe derrière, mais j’arrête ma carrière après le prochain album.
Tu veux dire celui que tu viens de faire ?
Non, le prochain qui va décoiffer 2 ou 3 personnes parce que ça ne se sera pas trop consensuel car je veux dire autre chose, c’est l’évolution. J’avais pris la décision d’être hors politique mais là je viens de reprendre ma carte d’électeur. Ce qui me gonfle et qui m’a fait rapprocher d’un mec comme Mélenchon, ce n’est pas un choix, ce sont les circonstances. Et ce qui va se passer c’est que Fillon va passer et moi je me casse. Je m’intéresse à la politique parce que ça devient un truc que l’on subit. Tant que j’avais les moyens de m’en foutre, je m’en foutait parce que ça ne m’intéresse pas. Mais il y a un moment donné où ça te revient à la gueule et tu n’as plus le choix, tu choisis entre perdre ce que tu rêvais de la France, suivre la marche ou bien te dire : « non mais là, ça va trop loin les copains ! » Et j’en suis là !
Quelle sera l’actualité de SOAN en 2017 ?
C’est la fin…
On te verra sur scène quand même ?
Oui, mais à partir de 2018, vous ne m’y verrez plus. Je ne ferai plus de concerts seul, c’est mon acte militant. Par exemple pour le concert de ce soir on a eu 12 heures de répétition pour monter 23 morceaux. Et bien ça, c’est fini ! Je ne vais plus galvauder mon art comme une petite merde. Je préfère retourner dans les bars, prendre le temps que je veux avec des mecs qui ont envie de bosser gratos avec moi. On se partagera les trucs et on ira se faire un resto. On se partagera le peu de tune que l’on a.
Tu veux dire retrouver l’authenticité…
Mais, moi, je ne l’ai pas perdue. C’est plutôt retrouver ce qui fait que l’on n’a pas trop l’impression de faire le tapin quand on monte sur scène. Le problème c’est qu’il y a plein de gens qui ont choisi de faire des singles et plein de gens qui ont décidé de faire de la musique. On entend parler uniquement de ceux qui ont choisi de faire des singles. Tu vois le mec qui a signé Claudio Capéo, c’est le même mec qui m’a viré de chez Universal avant même que je fasse la Nouvelle Star. Le mec a pris le même que moi, qui a accepté de faire un truc avec un beat. C’est exactement ce qui s’est passé ! Et il était soit disant, dégouté de devoir me virer. Il s’est barré de chez Universal et quand il a monté son label, pourquoi il ne m’a pas rappelé ? Je n’ai pas changé de numéro…
Merci Soan pour ta sincérité et ton franc parlé.
De rien
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