Si les guitares pouvaient parler elles diraient probablement que Last Train est en bonne voie pour devenir l’un des groupes les plus influents du rock français. Jean-Noël Scherrer, Julien Peultier, Timothée Gérard et Antoine Baschung, les quatre membres de Last Train sont avant tout quatre amis réunis dès le collège par une passion commune pour le rock et pour la scène. Aujourd’hui, ils continuent à vivre l’aventure ensemble et une chose est sûre, le succès est bel et bien au rendez-vous. Leur musique s’exporte même bien au-delà des frontières françaises.
A l’occasion de la sortie de leur deuxième album The Big Picture, c’est à Paris que nous les avons rencontré. Voici rien que pour vous leur interview.
Bonjour à tous et merci d’avoir accepté de partager ce petit moment avec nous. Commençons par parler de The Big Picture, morceau de dix minutes qui a d’ailleurs donné son nom à l’album. Il semble être un des morceaux piliers de cet album, pouvez-vous nous en parler ?
Jean-Noël : The Big Picture c’est ce qui a donné naissance à l’album. En tout cas c’est ce qui nous a fait prendre conscience qu’on était en train d’entrer dans un deuxième chapitre. C’est un morceau qu’on a composé quand on était encore en pleine exploitation du premier album et en pleine tournée. C’est un long titre qui nous correspond plutôt bien dans la dynamique, dans le fait qu’on puisse prendre le temps de faire les choses. Et puis il traite d’un sujet qui nous tenait particulièrement à cœur.
Ça n’a pas été trop difficile de remettre la main sur toutes les vidéos qui composent le clip ?
Julien : Oh si ! Tout le monde a mis la main à la pâte pour avoir les images, à commencer par nous. On avait tous des disques durs externes, des vieux trucs qui dataient de très longtemps, les stories, les téléphones de chacun, moi je filmais déjà en tournée, on avait déjà fait des clips avec pas mal de choses dedans. On a tout classé sans jamais transformer l’image, c’était galère! C’était beaucoup de travail mais ça vaut le coup !
On sent que c’est un album très travaillé et très soigné. Combien de temps avez-vous pris pour le composer, l’écrire ?
Jean-Noël : C’est difficilement quantifiable parce que les idées viennent, il y a des moments qui sont très prolifiques, d’autres moments beaucoup moins. Mais ça a du prendre deux ans je pense. On avait déjà commencé pendant la première tournée.
Quel est le titre de l’album dont vous êtes chacun le plus fier ?
Antoine : Tous! On n’a pas le droit ? On est fiers de tout l’album. On our knees a une petite place dans mon cœur parce que j’ai l’impression qu’on avait jamais vraiment fait ça dans cette façon d’aborder la chanson, ce côté post rock qu’on aime bien tous. Quand on a commencé à la composer, je me suis dit qu’on allait galérer sur certains passages mais au vu du résultat final je suis fier et content de voir à quoi ça ressemble.
Timothée : Très heureux moi aussi de l’adapter et de la remodeler pour la jouer en live. Pour le choix je vais dire The Big Picture pour les cordes surtout à la fin, et pour plein d’autres choses, certains passages, certains arrangements…
Julien : Moi j’avoue que je suis très On our knees aussi.
Jean-Noël : Pour l’équité, je choisirai The Big Picture.
Pourquoi êtes vous allés jusqu’en Norvège pour enregistrer votre album ?
Julien : Parce qu’on aime bien prendre l’avion ! (rires)
Jean-Noël : En fait on avait l’envie de retravailler avec Rémi Gettliffe, le réalisateur du premier album. Il a son propre studio d’enregistrement en Alsace, mais on avait envie de changer d’air et de se mettre dans de nouvelles conditions parce qu’on avait appris de l’enregistrement du premier album. Il nous a proposé plein de studios et unanimement on a choisi celui de Norvège parce que ça répondait à nos rêves de gamins. C’est un lieu perdu au milieu d’absolument rien, au bout d’une presqu’île avec la mer tout autour. Il avait la particularité d’avoir des baies vitrées donc on avait l’impression d’être au milieu de la mer. En plus on pouvait dormir sur place, donc tous ces arguments ont fait que c’était celui-là.
Et vous avez passé beaucoup de temps là bas ?
Julien : Une petite semaine.
Jean-Noël : Ensuite on a continué énormément en Alsace. Avec Rémi on a enregistré le live en Norvège et toute la partie batterie, basse, guitares où on joue tous ensemble dans la même pièce. Ensuite on est retournés en Alsace pour les arrangements: cordes, voix, mix, etc.
Avez-vous trouvé l’inspiration directement sur place ?
Julien : Oui ! L’avant dernière chanson, A Step Further Down n’aurait jamais vu le jour si on n’était pas allés là-bas. C’est un thème joué et composé au piano par Jean-Noël, repris d’ailleurs par des cordes à la fin de On our knees. On l’a enregistré spontanément et on ne savait pas encore trop ce qu’on allait en faire. Finalement, en la réécoutant chez nous en Alsace, on trouvait ça trop beau. C’est un petit moment volé qui n’appartient qu’à la Norvège.
Timothée : Sinon, on avait déjà retourné les morceaux dans tous les sens avant de partir.
Julien : On a appris du premier album aussi où il nous arrivait d’enregistrer des chansons sur le tas et on revenait dessus six mois plus tard en se disant « cette chanson on aurait pu l’enregistrer différemment » et c’était très déstabilisant. Là on a vraiment fait tout le travail en amont et on savait que tout ce qu’on allait enregistrer en Norvège allait nous plaire.
Justement, à propos de A Step Further Down, pourquoi avoir décidé de mettre cette chanson entièrement instrumentale sur votre album ?
Antoine : Ce genre de morceau, ça fait partie du genre de musique qu’on kiffe a fond.
Jean-Noël : On a toujours adoré l’instrumental et on a découvert le post rock assez tôt. Aujourd’hui on écoute énormément de musique de film, beaucoup d’ambient. C’est un truc qui fait pleinement partie de notre culture musicale et qu’on n’a jamais vraiment exploité si ce n’est que sur les tracks de Last Train, il y a beaucoup d’instrumental et peu de voix.
À quoi doit-on s’attendre en venant vous voir en concert au Trianon ?
Timothée : On avait la volonté de garder un truc assez sobre et simple : c’est quatre personnes qui jouent de la musique ensemble. Même si on a travaillé plus de choses sur l’album, ça n’empêche qu’en live on propose quelque chose d’organique. On reste toujours dans une intensité. On a envie de ressentir des choses, et de le transmettre au public.
Jean-Noël : On a fait une nouvelle scénographie, on a acheté plein de nouveau matos mais on a toujours gardé cette ligne directrice. C’est un nouveau chapitre mais ça reste nous.
Quel a été le moment le plus fort de votre carrière jusqu’à présent ?
Julien : Ma rencontre avec mes 3 meilleurs amis avec qui j’ai la chance d’être assis aujourd’hui (rires)! Non je déconne !
Jean-Noël : C’est compliqué parce qu’en trois ans on a eu la chance de vivre énormément de choses, qu’on a pas forcément l’occasion de faire quand on a seulement 24 ans. On a fait tellement de pays, pleins de gros festivals… Mais c’est pas ce qui représente le climax de notre carrière, c’est vraiment un tout : le concert dans le bar qui te permet de faire un autre concert dans une plus grande salle et ainsi de suite. C’est tout autant précieux et on apprécie chaque petit moment.
Julien : Et parfois il y a un moment de prise de conscience. C’est pas forcément un moment où tu es sur scène devant 40 000 personnes mais c’est juste ce moment où t’es dans le van avec tes potes et tu réalises que t’es en train de faire ce dont t’as toujours rêvé. Moi, je pensais à ça quand on est parti à Québec en 2015. C’était la première fois qu’on prenait l’avion et qu’on partait tous les quatre faire un concert de rock en Amérique. Je me suis dit que c’était grâce à la musique, à tout ce qu’on a fait, au travail qu’on a réalisé qu’on avait la chance de partir là-bas pour faire vivre la musique. C’est un moment marquant avec une prise de conscience très forte.
D’où vous vient cette passion pour le rock ?
Antoine : Je ne sais pas, on ne s’est jamais trop posé la question. C’est ce qui nous a plus ou moins réunis. On s’envoyait beaucoup de vidéos de lives où tu vois qu’il se passe un truc, où tu vois que les artistes s’éclatent, ils cassent tout, où tu les vois pleurer… tu vois le rock c’est un moyen qui peut mener à ce genre de moment et c’est ce qui nous plait.
Jean-Noël : Je pense qu’il y a une différence à faire entre le style musicale et le moyen d’expression. Il y a pleins de choses du rock qu’on essaye au contraire d’éviter. Il y a des concerts de plein d’autres styles musicaux dans lesquels on se retrouve énormément. Pour nous le rock c’est vraiment ces moments de gloire, de grâce, où justement tu touches les émotions, au fond du cœur des gens, et tu changes des vies. Ce sont des moments intenses, uniques, spontanés, « c’est ça le rock » ! C’est pas de roulant en moto ! (rires)
Julien : Tous les groupes que ce soit de rock ou d’autres styles musicaux qu’on a écouté pendant toute notre vie, ça a toujours été le fil rouge: ces émotions. Même quand on écoutait The Doors par exemple, on a été touchés par la prestation scénique, par Jim Morrison, en tant que personnage tourmenté.
Jean-Noël : Je pense que c’est cette prise de risque qui nous plait. Je pense à Jay-Z et Kanye West qui font Niggas in Paris au Zénith 11 fois d’affilée par exemple jusqu’à épuisement. Je pense à des vidéos de concerts de hip hop qui donnent la chair de poule. On n’a jamais pris la musique comme un divertissement mais comme un moyen de provoquer et de ressentir des émotions. Il y a un côté très cool dans le rock, dans le riff de guitare, dans le fait de devoir faire sauter des foules, de pouvoir se défouler. Je pense qu’on ressent ça sur le premier album car il est plus brut, plus rock, plus riffé. En fait en grandissant on se rend compte qu’on s’en éloigne petit à petit, en restant sobres et simples dans notre proposition. C’est forcément du rock mais finalement y a pleins d’autres ponts possibles avec d’autres styles de musique.
Durant vos années de scène vous avez parcouru énormément de villes et de pays. Est-ce que vous avez des anecdotes à livrer à nos curieux lecteurs?
Julien : On en a pas tant que ça franchement en quatre ans de tournée il s’est pas passé grand chose (rires) !
Jean-Noël : Y’en a une par heure presque. On reste jeunes, et supers cons, surtout Julien et les autres (rires). Du coup il y a toujours des moments un peu magiques. Par exemple aujourd’hui on a fait une Babyfoot avec Julien, il est passé sous le baby parce que je l’ai laminé! (rires).
Vous avez créé votre propre agence Cold Fame et votre propre festival Les Messes de Minuit. Qu’est ce qui vous a donné envie d’aller toujours plus loin ? Avez-vous encore des projets que vous voudriez concrétiser ?
Antoine : « Toujours plus loin, toujours plus haut », comme dirait Olivier Minne (rires).
Jean-Noël: Avec Cold Fame, on se concentre vraiment sur le live, sur la diffusion et la production de concert, des tournées… C’est parti du fait qu’on ne connaissait absolument rien de l’industrie musicale car on était très jeunes, on habitait en campagne et nos parents n’étaient pas du tout musiciens. Le chemin classique aurait été de signer avec un label, une boîte de prod… Mais nous on ne le voyait pas forcément comme ça. On voulait vraiment être acteur de notre propre carrière. Tout est venu assez naïvement et simplement mais ça a pris du temps. Aujourd’hui on est vraiment ravis de pouvoir comprendre tout ce qui nous arrive et aussi de pouvoir provoquer de nouvelles choses.
Comment gérez-vous votre temps entre Last Train, Cold Fame et votre vie privée ?
Jean-Noël : Ce sont des choix. Quand on a eu cette période de off, c’était la première fois où on a eu un appart, où on a pu sortir et se rendre compte qu’on ne la connaissait même pas notre ville! Aller au marché, faire les courses, cuisiner, ces petits trucs qu’on aime bien mais qui arrivent trop peu souvent. Malgré tout, je suis super content d’avoir fait le choix de l’entreprenariat et de pouvoir concrétiser des rêves, les nôtres ou ceux d’autres groupes.
Timothée : Ça rend aussi toutes ces choses-là beaucoup plus belles. Au final ce qu’on devrait faire en 7 jours on le fait en 3 jours, ce qui donne des fois des jours off bien remplis.
Vous sentez-vous plus libre dans vos choix aujourd’hui ?
Jean-Noël : C’est paradoxal. C’est une liberté évidente parce qu’aujourd’hui personne ne peut rien nous imposer. Si demain on veut faire du zouk, on le fera! On est producteurs de notre tournée, producteurs de notre album, on manage notre projet et on travaille avec les personnes avec qui on a envie de travailler. Mais ensuite la liberté elle est discutable car ça nous demande un travail quotidien et on ne s’arrête jamais. On gagne en connaissance mais on perd notre naïveté.
La suite de Last Train ça donne quoi ?
Jean-Noël : Du zouk! (rires)
Julien : On va recommencer la tournée. Nous qui avions l’habitude de faire 100 concerts par an, on a un peu de retard à rattraper. Donc on va faire des concerts et on verra après ! On a encore beaucoup de villes à voir, beaucoup de gens à saluer.
Quelle ville par exemple ?
Julien : Je pense à Poitiers par exemple où on n’a jamais joué ! Et puis on a plein d’autres projets, on a la chance d’être des gens curieux et volontaires…
Jean-Noël : On se croirait à un entretien d’embauche… On veut vraiment ce job (rires)!
Last Train ça se vit sur scène ! Retrouvez dès à présent les dates de leur tournée The Big Picture tour en France et à l’étranger sur leurs réseaux sociaux. Ils seront également au Trianon le 6 Novembre, attention c’est complet. Retrouvez et suivez toute l’actu du groupe sur Facebook Twitter Instagram YouTube
Interview réalisée en collaboration avec Mathilde RUYS Crédit photo : Boby Allin
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