Le Festival Chorus dans l’alignement des étoiles du rock et du folk.

CD92/WILLY LABRE

Du 3 au 7 avril 2019 avait lieu, à la Seine Musicale de l’Ile Seguin, la 31e édition du Festival Chorus des Hauts-de-Seine. Tandis que le samedi soir, le soleil faisait resplendir ses derniers rayons sur la géode neuve de Boulogne-Billancourt, les étoiles du rock français ont illuminé ma soirée.

Passer le pont de l’Ile Seguin est comme franchir le portique d’un parc d’attraction au thème musical. La frontière est nette entre le festival et le monde réel. L’architecture unique de la Seine Musicale sublime mon attente impatiente. Ce soir, la programmation s’annonce vibrante : dans un timing parfaitement calculé, j’enchainerai les concerts de Gaëtan Roussel, Charlie Winston et Shaka Ponk.

L’ancien chanteur du groupe Louise Attaque surgit sur les planches de la Grande Scène d’une ponctualité remarquable. A 20 heures, le show commence. Son rock n’a pas pris une ride. Il échauffe la salle en commençant son concert par « Eolienne », issue de son album Orpailleur sorti en 2013. Durant une heure, nous voyageons à travers la carrière de Gaëtan Roussel. Sa deuxième chanson, « Dis-moi encore que tu m’aimes », embraye sur la vitesse supérieure, puisque cette fois, les cordes vocales de tout le public se mettent en chœur sur celles grattées par les médiators. Avec « Dedans il y a de l’or », nous pouvons lui rendre la réplique, car dedans, « il y a le mot je t’aime ». D’abord installée confortablement dans les hauteurs des gradins, je me sens obligée de me rapprocher dans la fosse dès que j’entends les premières notes de « Ton invitation ». Entourée de toutes les générations qui divaguent, je chavire envoûtée sous les notes des violons entremêlées aux guitares. Puis, un peu avant la fin du concert, arrive la chanson phare de la version solo de Gaëtan : « Help Myself ». Inévitablement, les voix du public dépassent bientôt celle des enceintes au bord de la scène. Gaëtan se transforme en Louise le temps d’interpréter « Léa », que je suis partie scander au milieu de la fosse avec le reste du public. Sur les derniers applaudissements de « Hope », je me hisse hors de la fosse afin d’être au premier rang du prochain artiste annoncé, Charlie Winston.

CD92/Stephanie Gutierrez-Ortega CD92/Olivier Ravoire

Installé sur la seule scène extérieur, la foule se transpose synchroniquement en dehors du bâtiment. Ça y est, la nuit est déjà tombée, et quelques fines gouttes de pluie rafraîchissent les sourires encore essoufflés du concert précédent. D’une maline aisance, il se met à gratter sa guitare en grimpant sur les caisses de la batterie. Il fredonne quelques mots en français, doté de son accent « british » que l’on aime tant. Fidèle à sa musique folk, il n’est accompagné que d’un batteur et d’un claviste. Armé de son chapeau qui marque la signature unique de sa silhouette, il guide la foule sur les paroles de « Hello Alone ». L’interprète de « Like A Hobo », titre qui a propulsé sa carrière il y a 11 ans déjà, fait danser le parvis de la Seine musicale. Quelques couples improvisent parfois des pas de danse rock’n’roll sous les regards attendris des plus jeunes, admiratifs du moment. Avant de quitter le concert, je me retourne une dernière fois pour regarder le spectacle, et aperçois Charlie Winston qui lance son médiator au-dessus du public. C’est avec un sourire en coin que je m’en vais attendre le dernier concert de la soirée : celui de Shaka Ponk.

30 minutes avant le début de leur show, la plus grande des salles est déjà remplie de moitié. Installée au premier rang, assise en tailleur pour patienter, un homme au visage familier s’avance vers moi. D’un coup, il se met à courir et me lance : « C’est pas toi qui cherchais la set list tout à l’heure de Gaëtan ? » Evidemment, oui, c’était moi. J’étais sur le point de monter sur la scène délaissée pour récupérer la liste des morceaux joués quand quelqu’un la décrocha du sol et l’emporta en coulisses, à quelques mètres de moi. Cet homme s’en était rappelé, et me la rapporta en mains propres, essoufflé, me tendant aussi la baguette du batteur de Gaëtan Roussel, quelque peu écorchée. « Ça, c’est cadeau » me dit-il, avant de disparaître aussi vite qu’il n’était arrivé.

CD92/Olivier Ravoire CD92/Stéphanie Gutierrez-Ortega

Dès que les premières notes s’annoncent, les chanteurs, les musiciens, et quelques personnes du public entament une danse approximative, proche d’une transe. Leur mythique animation apparaît sur des écrans géants derrière eux, celle d’un singe qui imite leur chorégraphie. Avec Shaka Ponk, la folie n’attend pas. Alors que la première chanson s’achève à peine, le chanteur Frah se jette dans la foule. Ils n’ont qu’un seul ordre : n’en recevoir aucun. Tous les musiciens jouent torse-nu. Frah demande le silence avant la tempête… et provoque une tornade humaine au milieu de la fosse. Dans la foulée, il nage au-dessus du public après s’y être lancé et atteint au fond de la salle les premiers gradins en hauteur, qu’il escalade sous des regards aussi euphoriques qu’effrayés. Une fois stabilisé à quelques mètres de haut, Samaha Sam et lui réinterprètent « Smells Like Teen Spirit », chanson iconique de Nirvana, chacun à l’opposé de la salle.

Une fois de retour auprès de sa coéquipière, ils entament une battle de danse, imitée par les singes du fond numérique. Puis une autre bataille chorégraphique soit lancée entre l’hologramme et le batteur lui-même, avant de s’accompagner mutuellement pour mettre un terme à cette compétition virtuelle. Après les avoir vu au festival des Vieilles Charrues quelques années auparavant, je constate des progrès toujours plus fous dans la mise en scène et dans les effets visuels. Pendant quelques minutes, les hologrammes remplacent même totalement les chanteurs et les musiciens, en scandant sur les écrans « We won, we kicked the SP [Shaka Ponk] ». Un medley de « Kiss » (Prince) et « Let’s Dance » (David Bowie) donne un ton inédit au rock de 2019. En fin de concert, nous apprenons que Frah performe depuis le début avec une minerve qui enrobe son cou cassé.

S’il fallait résumer l’ambiance de ce soir, je reprendrai les mots employés par Frah lui-même, lorsqu’il nous demanda de recréer l’atmosphère des concerts de Nirvana ou encore de Red Hot Chili Peppers, qui ont largement inspiré la fureur musicale qu’ils incarnent toujours en ce soir du 6 avril. Retrouvez toutes les infos sur chorus-haut-de-seine.fr