En matière de solfège, le débat fait rage entre deux camps d’acteurs distincts. D’un côté, il y a ceux qui l’écartent totalement, le jugeant inutile dans leur parcours musical. De l’autre côté, il y a ceux qui le considèrent comme le Saint Graal de la maîtrise musicale. Cependant, les deux groupes se sentent souvent frustrés par la nature labyrinthique de l’apprentissage indépendant du solfège.
Dans un épisode récent de son podcast (transcrit par KillerGuitarRigs), Devin Townsend a partagé franchement ses frustrations personnelles face à l’approche traditionnelle de la théorie musicale. Il a reconnu que pour beaucoup, le langage de la théorie musicale ne correspond pas tout à fait au langage émotionnel de la musique elle-même.
« Quand j’étais plus jeune et que je devais apprendre le solfège, j’ai toujours pensé que c’était une manière très compliquée et inefficace pour moi de comprendre à quoi je participais. »
Devin illustre davantage la déconnexion, en comparant la terminologie théorique à une compréhension plus émotionnelle et intuitive : « Au lieu de dire : « Cette combinaison de notes me rappelle ma mère et un jour de pluie », c’était « Non, c’est une seconde suspendue », et c’est en mode lydien. Et vous aimez aussi la neuvième parce que c’est l’octave au-dessus de la seconde… Mais sur le plan pratique, pour moi, c’est juste ce que ça me rappelle. »
Cette prise de conscience a conduit Devin d’adopter une perspective alternative sur la théorie musicale, fondée sur ce qu’il appelle « l’ergonomie » et une absence de paralysie des options. Il a expliqué : « Et pour moi, ne pas avoir à analyser où les choses sont acheminées théoriquement me permet de dire : ‘Je veux ressentir ceci, ces notes me font ressentir cela, et voilà.' »
Néanmoins, Townsend a souligné que le langage formel de la théorie musicale est effectivement « apprenable » et que ceux qui le maîtrisent peuvent se sentir plus à l’aise de penser dans ses termes spécifiques. Il cite ses propres expériences, notamment lors de sa collaboration sur son prochain projet, « The Moth », avec des instruments et orchestres symphoniques.
« Quand j’ai commencé à travailler avec des instruments symphoniques et avec des orchestres à Prague, en Norvège ou en Bulgarie, j’ai dû apprendre que si je veux communiquer avec des gens qui ne parlent pas couramment la langue que je parle de manière créative, il est plus logique pour moi d’apprendre cette langue.
Au-delà du solfège, Townsend offre une perspective unique sur le genre, un concept qui confine et catégorise souvent les artistes et leur travail. Il remet en question l’idée reçue selon laquelle les artistes devraient s’intégrer parfaitement dans les « cases » du genre. Selon lui, il s’agit d’une approche pratique mais finalement limitante. Il conseille aux musiciens et artistes en herbe de se libérer de ces contraintes.
« Vous pouvez mettre un artiste ou un musicien dans une boîte, dans une boîte de genre. Mais je pense que c’est fait simplement parce que c’est pratique de compartimenter les gens, la musique, le genre. Mais si vous vous lancez, si vous vous lancez dans la création musique, si vous vous lancez dans la création artistique, mon conseil est le suivant : oubliez ça. «
« Oubliez le genre, oubliez si vous devez ou non percevoir la musique sous forme de couleurs, de formes, de modes et de chiffres, cela n’a pas d’importance. L’intention est la chose importante. Identifiez votre intention. »
Pour Devin, la musique est un moyen de « documenter » sa vie, sans finalité définitive ni grand message. Il comprend que sa musique évolue à mesure que la vie évolue. Dans un monde obsédé par la catégorisation, il nous exhorte à donner la priorité à l’essence et à l’intention de nos activités créatives, en transcendant les limites du genre et en adoptant le langage émotionnel unique que la musique peut véhiculer.