J’ai eu la chance de rencontrer Manu dans son home sweet home accompagnée de son compagnon et guitariste Patrick Giordano.
Pourrais-tu te présenter pour les personnes qui ne te connaîtraient pas ?
Je suis Manu, Emmanuelle Monet. J’ai commencé dans des groupes différents qui avaient tous le nom de Dolly, Dolly Bird en 1988, Dolly and Co de 1989 jusqu’en 1991 à peu près, ensuite Dolly de 1995 à 2005, 10 ans d’une très belle aventure avec un parcours et un répertoire pop rock en français signé sur une major et donc à cette époque-là beaucoup de concerts, beaucoup de visibilité et de médias. J’étais au chant et à la guitare. Depuis 2005 après le décès de Mika (Michaël Chamberlin), le bassiste de Dolly, j’ai commencé une carrière solo, j’ai sorti mon 1er album « rendez-vous »en 2007 et j’ai monté mon label avec Patrick Giordano, ici présent. Ca fait maintenant 9 ans que la carrière solo est lancée. Mon 3ème album « la vérité » est sortie l’année dernière, et avant cela un EP en japonais et un DVD live à l’Elysées Montmartre.
On te présente souvent comme Manu, ancienne chanteuse de Dolly, ça te plait ou ça t’agace ?
Non ça ne me dérange pas du tout car je suis fière de Dolly. Maintenant je vais bientôt avoir plus d’années en solo que sous le nom de Dolly. Ça permet aux gens de découvrir Dolly s’ils ne connaissaient pas. Il y a aussi beaucoup de gens qui aimaient Dolly et qui ne savent toujours pas que je suis maintenant en solo depuis 10 ans. Je trouve ça plutôt honorifique.
« La vérité » est ton 3ème album, peux-tu nous dire qui sont les musiciens qui ont travaillé avec toi sur ce projet ?
J’ai beaucoup travaillé toute seule au départ, j’ai ensuite enregistré mon batteur Nirox sur une session de 20 minutes avec 2 micros, je lui ai demandé de me jouer des patterns en lui donnant quelques indications. Ça m’a servi de base pour composer et pour donner la couleur de l’album. Je voulais revenir à quelque chose de simple et de brut avec les influences que j’avais au départ, même de Dolly, comme New Order, Pixies, Sonic Youth, qui vont à l’essentiel du son et aussi avec des références tel que les Ramones ou les Undertones. Je ne suis pas une technicienne donc je joue très simplement, je peaufine plutôt les paroles, les mélodies, les cœurs et les arrangements. Après on a enregistré certaines batteries et j’ai demandé à Patrick de m’accompagner sur scène pour cet album, et il a donc fait quelques guitares en amont. Ensuite il y a Laurent Duval à la basse qui est venu faire quelques parties. Mais sinon toutes les guitares et les basses c’est moi essentiellement.
J’ai trouvé la pochette de cet album magnifique, peux-tu nous dire qui en est l’auteur ?
C’est Nico (Nico Hitori De) qui avait fait également les illustrations pour l’EP japonais. Je l’ai bousculé pour le faire sortir de son univers plutôt doux et teenage. En écoutant les démos et il a tout de suite compris l’humeur de l’album, je lui ai envoyé en parallèle une pochette des Sonic Youth en noir et blanc et au final j’ai été très contente du résultat. J’aime beaucoup les illustrations car je n’aime pas avoir ma photo sur les pochettes d’album, je n’y trouve pas beaucoup d’intérêt. Je pense que je n’ai pas fini de travailler avec Nico qui vient d’ailleurs de sortir une BD qui s’appelle « Mia » chez Dargaud.
Sur quel niveau mets-tu les clips et les pochettes par rapport à la musique ?
J’aimerais bien tout mettre au même niveau. Je commence d’ailleurs à le faire car je suis bien entourée, j’ai une bonne équipe. Mais effectivement je pense plutôt d’abord à la musique et aux paroles. Par contre il y a des gens qui savent déjà comment ils vont s’habiller sur scène, le décor, la pochette, l’affiche. Moi je suis plutôt à incorporer ça après mais depuis que je travaille en équipe, notamment pour les clips avec The HumanCentiprod, qui est un collectif et qui a fait 3 clips sur cet album, et avec Nico Hitori De pour le visuel de l’album, je vais pouvoir anticiper et créer un univers cohérent dès le départ des compositions.
Par rapport à ta carrière de Dolly puis de Manu, as-tu encore quelque chose à prouver ?
Manu : on repart à zéro à chaque fois. J’ai la chance d’avoir des gens qui me suivent. C’est très difficile ce métier mais j’ai recommencé à composer donc de ce côté-là ça roule mais côté label c’est plus difficile. Mon passé m’aide par la notoriété mais aussi par l’expérience pour aborder les sujets musique mais aussi tout ce qui est production, administratif, etc… Tout ça pour dire que je ne m’endors pas sur mes lauriers et que c’est un énorme travail à chaque fois. Mais on ne lâche pas l’affaire. On sait que le marché de la musique est difficile mais le plus important est de garder l’esprit ouvert pour l’artistique. Avant je ne me consacrais qu’à l’artistique. Tout ce qu’on fait maintenant à côté pour aider à faire sortir nos projets empiètent forcément sur l’artistique et c’est ça le plus difficile.
Patrick : effectivement, on est indépendant à 100 % donc c’est plus compliqué. Dans la musique le marketing coûte très cher et on n’a pas les moyens d’investir des sommes phénoménales, donc on a une visibilité plus faible que la plupart des artistes qu’on voit. On fait avec et on se bat avec nos armes.
Par rapport à ta carrière et à ta maturité, quels sont les messages que tu souhaites faire passer ?
Manu : je ne prémédite jamais les messages. Dans cet album « la vérité » il y a un petit message écologique. Sinon, la chanson « un baiser dans le cou » dénonce la violence conjugale, beaucoup d’autres chansons parlent de la difficulté de communiquer, des relations amoureuses compliquées. Ça tourne autour de ça. J’aime bien les textes assez simples afin que chacun puisse se les approprier, du coup la chanson peut prendre un autre sens par rapport à celui que j’ai voulu lui donner et c’est ça que j’aime. La double difficulté lorsqu’on écrit en français est qu’il faut qu’il y ait un sens, et il faut que ça sonne, alors que dans la musique anglo-saxonne on est moins enclin à se demander ce que les paroles veulent dire.
Patrick : j’aime bien ce côté qu’a Manu où le sens n’est pas direct, tout est dans la finesse.
Il y a quelques années tu as fait un duo avec Indochine, avec quel autre artiste souhaiterais-tu chanter ?
J’ai fait énormément de collaborations et je suis très fière de chacune. Que ce soit avec Manu Lanvin, les Mass Hysteria, les Blankass, Pat Kebra, j’en ai fait beaucoup avec Dolly et ça a continué après. On a fait le solo de l’infini où j’ai convié différents artistes à venir faire un solo de guitare différent chaque semaine, sur le titre « toi et moi », donc cette chanson a eu plus de 40 vies. On pourrait être dans le livre des records il faudrait que je me renseigne (rires). Pour en revenir à Indochine, Nicolas m’avait invitée à chanter « tes yeux noirs » avec lui sur scène. J’aime beaucoup collaborer avec les gens mais je n’ai pas forcément l’idée de faire un duo vocal car j’écris surtout des choses personnelles. La seule personne que j’ai invitée à chanter avec moi c’est Patrick car il fait partie de ma vie, et il est aussi chanteur. J’ai beaucoup de mal à écrire sur commande ou en pensant à des gens.
Quel est l’évènement ou la personne qui a tout changé dans ta vie ?
Ça ne va pas être original mais c’est mon fils. Un gamin ça change toute une vie, je n’avais pas du tout la même vie avant, ni les mêmes horaires. J’avais beaucoup plus d’énergie. Je n’ai pas la même silhouette, toutes les femmes diront la même chose (rires). Ma vie et mon organisation ont été complètement chamboulé et puis ça a ouvert des cases dans ma tête que je ne connaissais pas, comme les peurs, les angoisses, et en même temps la case bonheur avec le cœur qui explose et qui n’est pas assez grand pour porter tout ça. C’est maintenant un jeune adulte avec tout ce que ça comporte comme clichés. Il m’a inspiré beaucoup de chansons car déjà à l’époque de Dolly il avait une chanson par album et il continue d’en avoir, sauf sur le dernier album car la période adolescence m’inspire beaucoup moins, la chanson aurait été beaucoup plus trash donc je ne l’ai pas mise (rires). Avec Dolly, la première chanson pour lui s’appelait Tim, et puis il y a eu « il était une fois » et « un beau jour » dans mon premier album solo.
Patrick : et même au-delà, « un beau jour » est une chanson pour tous les parents qui racontent des choses toutes simples et très touchantes.
Manu : voilà c’est lui mon bulldozer.
J’ai lu dans une interview sur toi : « Manu porte en elle la plume de Dolly mais elle a su ajouter subtilement la maturité de la vie et de ses blessures », es-tu d’accord avec cette définition ?
Manu : oui parce que Dolly c’était un peu l’insouciance, c’était un collectif et j’écrivais avec Thierry, le batteur, donc tout était soumis à l’approbation des autres. Depuis que je suis en solo je suis complètement libre avec ce que ça implique comme doute mais aussi le fait que je ne sois pas obligée d’attendre l’autorisation. Et par rapport à la fin de Dolly avec la manière dont cela s’est terminé suite au décès de Mika, j’ai mes petites valises comme tout le monde, et mes cicatrices. J’aime beaucoup parler avec les gens, on parle de nos blessures et on en fait des chansons. C’est une très jolie phrase et je suis tout à fait d’accord avec la personne qui l’a écrite.
Patrick : avec ce journaliste fort sympathique ou cette journaliste d’ailleurs (rires)
Tu as chanté avec Timothée de la nouvelle star 2013, que penses-tu de ces émissions qui propulsent les artistes au 1er plan sans forcément avoir de l’expérience?
Manu : avec Dolly j’avais fait une chanson qui s’appelait « tous des stars », c’était le tout début de ces télé-réalités, c’était la 1ère saison de Star Academy. A l’époque on trouvait ça complètement absurde d’enfermer des gens dans un château pour leur apprendre à chanter et à se mouvoir sur scène. Je trouvais cela complètement indécent. Je pensais que ça ne durerait pas mais ça existe toujours. Les gens comme Timothée ou comme Roman, qui avait fait la nouvelle star, tournent bien avec leur projet. Il y a plein de jeunes qui s’en sortent bien mais les 1ers s’en sont mal sortis. On les propulse puis ensuite on les oublie. Il y en a qui ont du talent, mais ça reste toujours très variété, comme si on en manquait en France, ou on en avait besoin, mais il faut croire que les gens écoutent ce genre de musique. Il y des gens maintenant qui sont intelligents, qui s’en servent bien, et qui s’en sont très bien sortis comme Julien Doré, Christophe Willem. Elodie Frégé a un très joli parcours et de très belles chansons. Mais en même temps si on faisait des émissions plus rock ou plus punk par exemple, les gens ne regarderaient pas forcément.
Patrick : moi j’ai toujours été gêné par ce système de vote, même les tremplins, j’ai toujours essayé d’échapper à ce système. Donc effectivement ces télé-réalités me gênent. Mais lorsque Manu regarde la nouvelle star, c’est vrai qu’il y a de très bons artistes.
Parmi tout ton répertoire, quelle chanson te touche particulièrement ?
J’ai mes petites pépites dans chaque album que ce soit avec Dolly ou avec Manu. Mais celle qui me touche tout particulièrement c’est « rendez-vous » qui était sur le premier album solo et qui est une chanson pour Mika. Dans le dernier album, la chanson « à quelqu’un » me transporte. Sous Dolly il y avait la chanson « Tim ». Mais celle qui est au-dessus de toutes les autres c’est « rendez-vous », et on continue à la jouer sur scène d’ailleurs.
Que dirais-tu à la petite Manu de 10 ans que tu rencontrerais dans la rue ?
C’est mignon comme question. Je dirais exactement ce que je dis à mon fils. N’écoutes pas du tout les autres, écoutes-toi toi-même. J’ai d’ailleurs une chanson dans l’album qui dit « n’écoutes pas ce qu’on dit de moi ». N’évites pas la vie devant toi, n’aie pas peur de la vie. Fais-toi ton propre jugement, écoutes ton cœur et tes envies. Je lui dirai aussi tu vas avoir un gamin un jour prépares toi (rires). Je ne sais pas si elle m’écoutera car c’était une sacrée branleuse à l’époque.
Quelle est ta drogue légale favorite ?
J’ai tellement d’addictions. Jennifer de Superbus le dit très bien : « j’additionne les addictions ». L’alcool, la clope. J’aime le bon vin rouge, associé à certains aliments comme le fromage par exemple, c’est un peu le paradis. Et j’aime beaucoup l’ivresse sans être jamais bourrée. J’essaie d’entretenir ce petit état d’ivresse, car ça désinhibe aussi, ça soulage. J’aimerais bien que certaine drogue soit légalisée ça éviterait aux gens de se bourrer de médicaments comme les anti dépresseurs ou les anxiolytiques qui sont beaucoup plus dangereux. Personnellement j’ai arrêté le cannabis car ça ne me convenait pas mais c’est vrai que je dormais beaucoup mieux en ayant tiré une latte ou deux, et je trouve ça mieux que de prendre des médocs.
Quel est ton dernier coup de cœur musical ?
Patrick : ah je sais (rires), tu m’as même emmené au concert.
Manu : c’est Las Aves (ce sont les anciens de The Dodoz). L’album été produit par Dan Levi du groupe The Do. C’est mon album de chevet actuellement et ça s’appelle « Die in Shanghai ».
Quel est ton actualité dans les jours et les mois à venir ?
On a un festival à Lyon le 22 octobre, le rock Festibalm’s. Après on va faire 2 ou 3 ouvertures pour Dionysos en version acoustique avec harpe et violoncelle. Du coup je revisite tout mon répertoire pour ½ heure de concert. Ça permet aux gens d’entendre plus ma voix et les textes, on redécouvre les chansons, moi-même je les redécouvre. Et je suis en préparation du prochain album, j’ai déjà 3 chansons en chantier et je voudrais le sortir rapidement pour vite me retrouver sur scène car c’est ce que je préfère.
Merci beaucoup de m’avoir si gentiment reçue et on attend ton prochain album avec impatience.
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