INTERVIEW : YELLE nous parle de “Vue d’en face”

Le 4 septembre dernier marquait le grand retour dans les bacs et sur les plateformes de Yelle avec un quatrième et nouvel album « L’Ère Du Verseau ». Après sa prestation au Arte Concert Festival le 14 novembre, le duo électronique breton Yelle est de retour avec le clip de “Vue d’en face”, un morceau abordant la jalousie matérielle à l’ère des réseaux sociaux. Après dix ans d’une carrière française et internationale, la chanteuse invite Nicolas Maury – qui a récemment dévoilé son premier long métrage intitulé “Garçon Chiffon” (2020) – pour un clip poétique et extravagant, à l’image de ses protagonistes.

Entrevue avec Julie Budet, la chanteuse de Yelle, qui nous parle de sa rencontre avec l’acteur, de sa relation à l’auto-tune et de son dernier coup de cœur musical.

Ce nouvel album, on peut le voir comme l’opposé de “Complètement fou”. De la pochette, qui est très sombre, aux textes plus intimes. C’était conscient au moment de la création ? 

Non pas vraiment. On fait de la musique « spontanée ». Pour les albums que l’on a pu faire, on ne conceptualise pas. On laisse les choses se faire, on travaille de manière assez instinctive finalement. Une fois que les chansons de l’album étaient terminées, on s’est fait la réflexion que c’était plus sombre que ce que l’on avait pu faire avant. 

Vous avez senti que cet aspect de votre création parlait à ceux qui vous écoutaient ? 

Quand tu vis des choses difficiles, notamment le décès de mon père en ce qui me concerne, tu prends de la maturité. Accepter ses failles, ses doutes, se mettre un peu à nue, permet une meilleure acceptation de soi et d’aller vers les autres. Même si j’ai toujours eu l’impression d’être une adolescente, d’avoir une vision très utopique du monde, je pense que ça m’a fait grandir d’un coup. Je suis passée dans le monde adulte de manière un peu brutale. On a gardé cette énergie que l’on avait sur les albums précédents, mais elle est enveloppée de quelque chose d’un peu plus mélancolique. Après, on a toujours cette envie de faire danser les gens, de les amener avec nous. 

Oui, d’ailleurs le premier morceau de l’album « Emancipense », qui est très dansant, en est la preuve. On a pu vous voir jouer l’album en live au ARTE Concert Festival le 14 novembre dernier. Comment avez-vous vécu ce live très particulier ? 

C’était un sacré challenge pour nous car c’était pour la plupart, des morceaux que l’on avait jamais joué encore sur scène. En plus, il n’y avait pas de public donc c’était assez déstabilisant. 

« Quand tu joues en concert, tu es porté par une énergie, par les gens. Tu peux t’appuyer sur eux quand tu as la trouille. Tu accroches un regard et ça rassure. Je fais des concerts pour les gens. Cette relation, elle me nourrit. »

Le truc cool, c’est que l’on était super bien entourés mais il fallait toujours se projeter, s’imaginer que lorsque l’on regardait la caméra on s’adressait à nos auditeurs virtuels. On avait aussi beaucoup d’émotion de jouer certains morceaux pour la première fois. 

Quelle est votre relation à l’auto-tune, que l’on retrouve dans certains de vos morceaux ? 

Nous, depuis le début, on utilise la voix comme un instrument. Plus chaude, plus froide, plus robotique : il y a toujours un travail sur l’harmonie qui nous plaît beaucoup. Comme une pédale d’effet pour une guitare, je trouve que ça donne une certaine intensité et même une certaine bizarrerie à la voix. Tant qu’à l’utiliser, autant le pousser au maximum. Notamment dans Je t’aime encore, où on a voulu que cet effet soit très présent. C’était un vrai choix sur cet album de l’utiliser un peu plus que sur les autres. 

Beaucoup d’artistes sortent de nouveaux projets sans réellement prendre le temps, par “pression” des labels ou des fans. Est-ce que c’est quelque chose qui vous influence dans votre création ? 

On ne s’est jamais pressé ni forcé la main là-dessus. Déjà, en tant qu’auditrice, j’ai parfois l’impression de manquer de temps pour écouter tout ce que j’ai envie d’écouter. Je trouve que tout ce qu’il existe dans l’industrie musicale est parfois indigeste, et en même temps c’est génial car il y en a pour tous les goûts. Nous on a senti parfois l’impatience des fans, mais on a toujours eu envie de faire les choses à notre rythme. Il faut attendre que les choses soient mûres. C’est parfois une question de timing.

On a pu découvrir votre nouveau clip « Vue d’en face » avec la participation de Nicolas Maury. Comment s’est passée cette rencontre ? 

En fait, on s’est rencontrés cet été. C’est le meilleur ami d’une amie à moi. Ca  faisait des années qu’elle me parlait de lui, même avant Dix Pour Cent et les films qu’il a pu faire, et puis il a passé quelques jours chez elle. On s’est tout de suite très bien entendu. On avait l’idée de deux personnages qui évoluent dans un espace pour ce clip, c’était assez évident que ce soit lui. On a bossé avec deux chorégraphes sur écran interposé, ce qui a donné des moments assez drôles car il fallait caler les mouvements. C’est un effet miroir : assez compliqué d’avoir le bon bras ou le bon pied mais on s’en est sortis !

Tu as pris des cours de théâtre étant plus jeune et tu t’es approché du milieu du cinéma. Est-ce que c’est un exercice qui te plaît toujours autant ? 

J’ai pu tourner dans des courts et longs-métrages ou dans des séries. Ça a toujours été de bonnes expériences bien que je n’ai pas d’agent. Bon, c’est peut-être pas la bonne période dans le milieu du cinéma… quoi que ! Ils doivent être disponibles justement. J’aimerais beaucoup le refaire, mais je ne suis pas très douée pour me mettre en avant ou aller chercher les gens. Tous les projets que j’ai pu faire dans le passé se sont fait de manière spontanée. Je me dis que ça reviendra peut-être, et j’espère car j’adore la comédie ! Ça fait partie de mes envies, comme de reprendre les concerts… 

Oui j’imagine. D’ailleurs c’est quoi vos prochaines dates de tournée ? 

La tournée est reprogrammée au printemps. On espère que l’on va pouvoir les jouer ! 

Avant de se laisser, est-ce que tu aurais un coup de cœur à nous partager ? 

J’aime beaucoup Yseult. Je la trouve étonnante et inspirante. Elle propose un univers qu’il n’y a pas beaucoup en France en ce moment. J’ai beaucoup aimé son nouvel EP. Notamment le morceau Bad Boy. Elle a une voix incroyable, c’est chouette la manière avec laquelle elle se met en scène. Je vois l’implication et ce qu’elle met dans son travail. C’est vraiment une artiste entière.

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