Morgane Imbeaud s’est fait connaître en intégrant le groupe Cocoon lorsqu’elle n’avait que 18 ans. S’en sont suivies de belles collaborations, et un spectacle « Les songes de Léo » qu’elle a créé de bout en bout. Mamusicale la rencontre aujourd’hui pour nous parler de la sortie prochaine de son album solo « Amazone ».
Pourrais-tu nous parler de ton parcours musical jusqu’à aujourd’hui ?
J’ai commencé la musique avec le groupe Cocoon, j’avais alors 18 ans. S’en est suivi plein de belles choses, 2 albums, et de nombreuses dates de concerts. On a fait une pause en 2011, et j’ai fait d’autres collaborations avec d’autres gens. J’ai créé un spectacle qui s’appelle « Les Songes de Léo » et aujourd’hui je reviens toute seule avec mon album qui sort en janvier prochain.
Tu étais toute jeune en intégrant le groupe Cocoon, que t’a apporté cette expérience ?
Absolument tout car je me rends compte maintenant à 32 ans que je ne savais pas où j’allais, je prenais les choses comme elles venaient. On été dans une bulle et en même temps ça m’a appris tout le métier. Au début on ne sait pas ce qu’est un tourneur, un éditeur, et on apprend à s’exprimer pour les médias. Grace à ça je sais maintenant ce que je veux et surtout ce que je ne veux plus. Je n’ai surtout plus peur de l’échec, je me dis que rien n’est grave dans une vie, donc il faut oser.
Après toutes ces expériences, tu t’es lancée toute seule car tu avais des choses à dire et à défendre, et peut-être aussi parce que tu étais plus mature ?
Ce n’était pas forcément la maturité qui me bloquait, mais plutôt la confiance en moi. C’est un chemin très long, mais que je travaille. C’est juste que je n’osais pas parler, ni dire ce que je pensais. En fait, j’en ai marre du monde dans lequel on vit. Je trouve que les gens sont trop stressés, moi aussi bien sûr, mais je fais un travail sur moi-même. Je suis pleine d’empathie et j’aimerais aider les gens à aller mieux. Je remets en cause les normes, comme je l’ai fait sur « Les songes de Léo », je parle bien sûr des normes sociétales. Je pense que chacun a ses propres normes, il faut juste trouver son équilibre. Depuis petit, on ne nous apprend pas à être heureux, on nous apprend à rentrer dans des cases. Ça me rend dingue.
Tu as dit que plus jeune tu étais stressée, et angoissée. Est-ce que le travail sur « Les songes de Léo » a été thérapeutique, parce qu’on peut dire que Léo c’est toi ?
Je me suis toujours cachée derrière un personnage. Je voulais que ce personnage de Léo parle à tout le monde. J’ai toujours ce problème de savoir pourquoi les gens parlent d’eux tout le temps. Je trouve ça trop égoïste et trop égocentré. J’espère en tout cas ne pas être comme ça. Je travaille avec des jeunes à qui je donne des cours d’empathie. La nature humaine m’intéresse énormément. Le but est de savoir comment parler de soi, mais plutôt en parlant de son expérience. J’ai envie de rassurer ; arrêtons de nous poser des questions. Regarder quelqu’un dans les yeux et demander-lui : « et toi qu’est-ce que tu penses, qu’est-ce que tu veux ? » Les gens ont peur de ça. On est en permanence en train de se juger les uns les autres, et je trouve ça tellement dommage.
Tu donnes des cours d’empathie, quels conseils pourrais-tu donner pour que les gens aient plus d’empathie ?
Je pense qu’on a tous de l’empathie mais on ne le sait pas. Je travaille avec des jeunes auprès de Unis-Cité. Unis-Cité est une structure pour des jeunes en difficulté qui viennent pour faire un service civique. Avec eux, je me suis rendu compte qu’on a tous les mêmes envies mais qu’on n’ose pas, et que personne ne se parle. Depuis tout petit, on ne nous a pas donné l’habitude de se parler. La question essentielle à se poser, je pense, c’est réfléchir, ramener une réflexion sur soi, sans que ce soit égoïste. Pour comprendre l’autre, il faut se comprendre soi-même. Ça a toujours été très tabou de se confier ou de parler de soi. Demandez-vous souvent « pourquoi » ? Pourquoi je suis énervée ? Pourquoi ça me touche ?
On va revenir sur ton album qui sort en janvier 2020. Dans cet album, il y a des chansons en français, d’autres en anglais. Comment s’est faite la construction des chansons ?
Je fais toujours la musique et ensuite les textes. Je suis beaucoup plus touchée par la mélodie. J’ai beaucoup plus de facilité à me créer une histoire à partir d’une mélodie. Au début je chante en yaourt. Le français correspond très bien à certaines chansons car on arrive parfois à faire passer un message plus fort. Et sur certaine chanson, je trouve que le français ne se prête absolument pas. Par exemple pour « Let you down » qui est en anglais, j’ai essayé en français mais ça n’allait pas du tout, ça donnait un style que je n’aimais pas trop. Et en même temps ça fait du bien de ne pas se poser de questions.
Tu as fait un périple en Norvège, tu t’es nourrie de ce voyage pour tes compositions ?
En fait j’ai toujours eu peur d’être seule. Je me suis dit, pour enterrer cette peur, il faut que je l’affronte de face. Ça m’a beaucoup aidé, car j’ai connu la plénitude, c’est très fort comme mot mais je conseille à tout le monde de vivre une telle expérience. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai toujours été fascinée par les pays nordiques. Je me suis retrouvée seule sur l’île de Gressholmen, qui est une île sur le fjord d’Oslo. On aurait dit un décor de film. Il y avait une petite côte, en haut de cette côte j’ai découvert un paysage magnifique, et j’en ai pleuré tellement c’était beau (rires). J’ai fait plein de photos sur cette île, car c’est ma deuxième passion, et je ne me suis jamais sentie aussi bien. J’y suis retournée 2 fois depuis et c’est vraiment un refuge pour moi. C’est très inspirant car on se rend compte de toute la force qu’on peut avoir, et j’aime bien me dire que dans une vie tout est possible.
Quelles sont principalement tes sources d’inspiration pour l’écriture ?
J’ai envie de parler des gens car j’aime vraiment les gens. Ça fait un peu bisounours mais j’aimerais que les gens apprennent à se connaître, qu’ils s’aiment. Je trouve que c’est très dur d’arriver à s’accepter, j’en ai conscience, mais il n’y a rien de plus beau, à force de travailler avec ces jeunes, de voir leur évolution. Je trouve cela très positif, et je le vois autour de moi, il suffit de poser 3 ou 4 questions, regarder les gens dans les yeux et amener une bienveillance. C’est pareil pour les femmes, on a tellement été élevé dans la concurrence tout le temps. Ce n’est pas une responsabilité parentale mais plus une responsabilité sociétale. Il faut que les choses changent.
Pourquoi avoir donné ce titre « Amazone » à l’album, qui est d’ailleurs une des chansons ?
Au départ je me suis dit, c’est tellement cliché, mais en fait pas du tout. Il faut assumer. « Amazone » c’est un hommage aux femmes et je me dis que quand on est féministe, on est altruiste, c’est en tout cas la définition que je m’en fais. Je me suis juste demandé comment je voulais être. C’est juste arriver à être une femme indépendante et heureuse. Ce sont beaucoup de choses qu’on n’a pas, et on nous dit qu’on n’a pas le droit de l’être. C’est un vrai combat à mener. Oui je suis heureuse, et j’ai besoin de personne pour ça. On me reproche souvent ma douceur par exemple. Ça me met hors de moi. Pourquoi on reproche toujours la gentillesse aux gens. Ce n’est pas parce qu’on est sympa qu’on est complètement con. C’est ça aussi, foutons-nous la paix les uns les autres. Accepte les autres, sinon règle les problèmes chez toi que tu n’aimes pas.
Avec qui as-tu travaillé sur cet album ?
H-Burns a fait toute la réalisation. On avait des amis communs et je connaissais sa musique mais je n’osais pas trop l’aborder. Finalement on s’est rencontré car on avait le même manager, on s’est bien entendu et tout est parti de là. Il m’a poussé dans mes retranchements pour m’enlever mes réflexes. Il m’a autorisée à faire la musique que j’aime.
Justement, quel style de musique écoutes-tu ?
Je suis très éclectique. Pendant très longtemps j’écoutais juste des morceaux de piano, mais pas de chanson. J’étais fan de Didier Squiban quand j’étais gamine. J’ai appris le piano d’ailleurs un peu comme ça. J’ai adoré Chilly Gonzales. J’ai écouté beaucoup de jazz également, car ma mère aimait beaucoup le jazz et elle m’emmenait avec elle. Je suis hyper fan de Chris Garneau, avec qui il y a un duo dans l’album et je suis super contente de ça. Ce qui me touche le plus ce sont des choses très ambiantes. Mais je peux écouter France Gall, et j’aime aussi beaucoup Explosions In The Sky, et The Album Leaf.
Dans l’album, il y a un duo avec l’actrice Marina Hands, comment s’est faite la collaboration ?
Je voulais absolument un duo avec une femme pour cette chanson. On a des amis en commun avec qui j’en avais parlé. Pour moi elle représente la femme que j’admire. Elle n’est pas people, elle a une classe et un naturel incroyable. Elle a réussi son chemin comme elle le voulait. Elle a eu un César, un Molière. Elle est très solaire, et très sensible. Pour moi c’est un modèle car elle est affirmée et douce en même temps, ce qu’on me reproche souvent. Comme quoi on peut être douce et affirmée et faire ce qu’on a envie. C’était sa première fois et elle chante super bien.
Le clip d’ « Amazone » est magnifique, quelle est ton implication dans les visuels ?
Je me suis beaucoup impliquée dans d’autres projets, mais pas dans celui-ci. En fait on a fait un appel d’offres, je n’avais jamais fait ça avant, et il y a eu plein d’idées super intéressantes. Au final, c’est Simon Vanrie qui a fait le clip.
Y a-t-il un rêve que tu n’as pas encore réalisé ?
J’aimerais bien faire comme Gloria Steinem qui a sorti un bouquin « ma vie sur la route ». Moi qui aime beaucoup la photo, j’aimerais aller aux Etats-Unis à la rencontre de femmes puissantes, ou de femmes qui ont des difficultés, et faire des portraits de ces femmes. Et si on peut faire des concerts le soir dans chaque ville ce serait génial (rires).
Quelles musiques t’accompagnent en ce moment ?
J’aime beaucoup Andy Shauf, qui sort d’ailleurs un album en janvier. J’aime beaucoup un nouveau projet qui s’appelle Animal Triste. J’ai adoré dernièrement l’album de Marie-Flore. Le groupe Big Thief est super bien. Le dernier Nick Cave également.
Quelle est ta chanson préférée tout répertoire confondu ?
Je peux en donner 2 ? « Angeles » de Elliott Smith. C’est un copain qui me l’a faite découvrir quand j’avais 17 ans et qui ne me quittera jamais je pense. L’autre c’est « Relief » de Chris Garneau, qui me fait pleurer à chaque fois.
Quelle est la cause qui te mobilise actuellement ?
Avec les volontaires d’Unis-Cité, j’ai été confrontée à la situation des réfugiés. C’était très prenant. Et j’aimerais tellement donner des cours d’empathie dans les écoles, ce qui se fait d’ailleurs au Danemark, et dans d’autres pays nordiques, et ils nous prouvent que ça marche. Je pense que c’est indispensable. Je vois avec les jeunes que je rencontre, en 3 heures d’atelier, ça marche. Ce n’est pas grand-chose. Ça me rend dingue. Il faut que je créé quelque chose car c’est la cause qui me tient le plus à cœur.
Quelle est la rencontre ou l’événement qui a tout changé dans ta vie ?
Je dirais que c’est Mark Daumail que j’ai rencontré en 2005, car tout a changé avec Cocoon.
Quelle est ta chanson inavouable ?
Je pense à quelque chose tout de suite mais c’est horrible (rires). « Baby one more time » de Britney Spears. Et aussi les Spice Girls. Ça m’a bercé quand j’étais gamine, je voulais être Victoria. Je mettais des perruques et je faisais des chorégraphies, c’était trop bien (rires).
Quel est ta boisson préférée ?
Le vin rouge
Et ton plat préféré ?
J’ai arrêté de manger de la viande mais je dirais le foie de veau. Je suis auvergnate donc les rognons et tout ça, j’adorais ça.
Quelle est ton actualité à venir ?
Mon album sort fin janvier 2020. Je serai en concert le 12 mars 2020 aux Etoiles à Paris, avec des dates avant. La chanson « Gressholmen » sort le 29 novembre.
Retrouvez toute son actu sur morganeimbeaud.com Crédit photo : Goledzinowski