Après vingt ans de projets musicaux variés (Psykup, Mopa, Agora Fidelio…) et deux recueils de poésie ( “L’Enfant du Silence”, “Si bleu qu’à sa brisure”), Matthieu Miegeville arrive enfin avec son premier projet solo sous forme d’EP intitulé “Longue Distance”. Des titres à la franchise ciselée, une orchestration minutieuse, une véracité qui frappe… A travers cet EP personnel et intimiste, Miegeville nous emmène avec lui vers un voyage poétique, esthétique et authentique.
Bonjour Miegeville ! On te connaît déjà grâce à tes nombreux projets dans un style plutôt hard rock métal, avec notamment ta collaboration avec le groupe Psykup. Tu sors enfin ton premier EP solo, “Longue distance”. Comment te sens-tu ? Quel a été l’élément déclencheur, après ces années en groupe et dans différents projets? Qu’est-ce qui t’as décidé à te lancer en solo ?
La volonté c’était d’être capitaine du bateau avec ses avantages et ses inconvénients. Il y a de la pression mais c’est nous qui choisissons quel chemin emprunter, avec l’esthétique qui nous est propre. Cela faisait un moment que j’avais envie de faire des projets plus apaisés, avec le texte vraiment au centre de la musique. J’ai toujours vécu en groupe, donc j’avais une certaine pudeur d’arriver en mon propre nom. C’est grâce à mon partenaire Arnaud Barat que j’ai pu me lancer avec Miegeville, c’est l’instigateur du projet. C’était un gros pas à franchir.
Tu vogues à travers différents styles, on sent que chaque titre porte une idée différente. L’orchestration est parfois très mélodique, voir innocente, et parfois très lourde, dramatique, tu surfes entre variété, slam, rock… pourquoi ? Est-ce d’une certaine manière, une façon d’exprimer la richesse de ton parcours éclectique ? Ou une volonté de te montrer plus spontané dans la création vu que tu es en solo ?
Ce que j’écoute est assez pluriel, pour moi la curiosité musicale a été vitale, pour ne pas m’asphyxier dans un genre. Pour cet EP, ce n’était pas spécialement voulu, mais j’avais envie de quelque chose de fédérateur. Mais c’était pour dire que ces morceaux ne veulent pas de frontières au niveau de l’esthétique, de la dureté du style, et même la langue.
Tu es un amoureux de la langue française, tu as déjà écrit deux recueils, plus un nouveau projet d’écriture. Peux-tu nous en parler ?
Je suis venu à la musique par l’écriture. On m’a proposé d’intégrer un groupe grâce à cela, alors que je ne savais pas chanter à la base. Donc l’écriture c’est vraiment ce qui m’a construit. Quand j’étais petit, je n’étais pas celui qui sautait le plus haut ou courrait le plus vite, donc ça a été mon échappatoire pour sortir des choses. C’est ce qui me permettait d’exister. Donc finalement c’était une trajectoire naturelle pour moi d’écrire ces recueils. J’aime cette intimité entre le lecteur et l’auteur. Car lorsque tu fais un concert, le chanteur ne te parles pas directement à toi. Alors qu’à travers la lecture, tu n’es qu’avec une seule personne, j’aime cette proximité.
Mon livre s’intitule “là où convergent les points cardinaux”, c’est une réflexion autour des repères géographiques qu’on peut avoir. A se demander si ce sont des points cardinaux qui nous repèrent où bien les personnes qui les occupent qui en sont les symboles. C’est un recueil de texte et de poésie où chaque lecteur pourra s’approprier ces points cardinaux, avec ses propres référentiels. Ce livre sera accompagné d’un autre disque “Est Ouest”.
Parlons un peu de tes clips. Tous deux réalisé en noir et blanc, à l’ambiance polar noir… très sobre, épurée. Quelle vision as-tu de la réalisation ? Pourquoi rester ainsi sur du noir et blanc ?
Lionel Pesqué m’a expliqué cette théorie que le noir et blanc révèle beaucoup plus de choses que la couleur. Car la couleur peut mentir, comme la surenchère, qui fait perdre le fil de l’idée principale à cause de toutes ces informations que reçoit ton cerveau. On peut se perdre là-dedans. Alors qu’à travers le noir et blanc, tu vas directement sentir l’essence de la personne. On revient à l’essentiel. J’aime le noir et blanc pour la sobriété, la pudeur, ça me correspond bien.
Tu véhicules plusieurs messages à travers ton EP. Quel a été le fil conducteur ? Une sorte de renaissance sachant que ton 1er titre est “bonjour je suis mort”. Peux-tu me parler des différents thèmes que tu abordes ?
Je n’ai pas envie d’écrire autour d’un seul thème, ou pré-penser avec un questionnement sur ce que je vais dire… je veux que mon message soit le plus naturel, urgent et spontané possible. Sur cet EP, il y a une connotation très sociale. Et il y a toujours cette idée que je véhicule depuis longtemps dans mes autres disques, qui est de croire en l’homme. Même si en ce moment, il y a de quoi se taper la tête contre les murs, je veux garder cette philanthropie, cette foi en l’homme. Il n’y a que ça qui pourra nous sauver. Je veux croire en ça. Comme tout le monde, j’ai vécu des choses difficiles dans ma vie, l’idée est donc de se relever, transformer ce négatif. Il faut se dire que cette douleur nous mène quelque part, vers un endroit plus beau. Personnellement, ça a été salutaire pour moi. C’est ma vision de l’artiste, monter sur scène, chanter, et essayer de tirer les gens vers le haut, vers leur sommet, pas le mien. La vie n’est pas un long fleuve tranquille, et je ne pense pas que les gens ont envie de ça. La vie est un beau mélange si l’on sait puiser le positif.
Tu es un compositeur de talent et également un écrivain à la très belle plume. Comment travailles-tu ? Est-ce la composition qui vient en premier ou bien les mots ?
Je travaille avec des compositeurs excessivement forts, qui souvent, partent de mes mots. Donc j’ai la chance de pouvoir partir du texte, et d’autres fois on part sur des idées de guitare, ou de piano… mais j’aime fonctionner en écriture automatique, j’ai des mots qui me viennent, je les écris, et les phrases ne veulent absolument rien dire ! (rires) Mais je les garde quand même, comme pour “Ensemble dans le vent”, cette phrase m’est venue, sans savoir de quoi je voulais parler. Par la suite, j’ai construit tout le morceau autour de ces mots. Je vois ça comme l’inconscient qui te parles et t’envoies quelque chose, puis la conscience apporte la véracité.
Tu as un projet de prévention de suicide chez les jeunes, peux-tu m’en dire un peu plus ?
Cela fait environ 6 ans que je travaille avec les jeunes dans les collèges et lycées autour de la prévention du mal-être, de l’angoisse et du suicide chez les jeunes. Je travaille avec l’agence régionale de la santé, avec des professionnels de la santé, et également avec mon partenaire guitariste Olivier Castellat, pour co-construire ce projet qui nous tenait à cœur. Nous avons cette idée que la musique, l’émotion artistique quelle qu’elle soit, peut tirer quelqu’un vers le haut. Par le message de l’art, on peut toucher les gens différemment. Car parfois, certaines personnes n’entendent pas le discours de leurs proches, c’est là que la posture différente, et plus neutre, de l’artiste va apporter quelque chose. C’est une expérience très forte pour moi également, il y a des moments très forts avec de très bons résultats.
Ton actualité ?
La tournée de l’EP en 2019, sa promotion. Egalement la sortie de mon livre, sûrement en janvier. En parallèle je continue à faire des showcases/vernissages avec un ami peintre qui expose ses toiles illustrant mon livre. Tout se construit gentiment et sûrement. Je m’en réjouis !
Une citation d’un poète qui te représente ?
“Rendez-nous la lumière, rendez-nous la beauté” de Dominique A. Je pense que cette phrase sera apprise par les élèves dans soixante ans ! Elle résume tout pour moi, carton plein !
Carton plein également pour Miegeville avec son premier EP “Longue Distance” sincère et passionné, ça fait du bien !
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