Non non je ne rêve pas, j’ai bien Louis Chedid en face de moi. Quelle joie et quel honneur de rencontrer cet immense artiste. Que dire sur un monstre de la chanson française que tout le monde connait. Je suis sûr que vous avez tous un titre en tête, « T’as beau pas être beau », ou peut-être « Anne, ma sœur Anne », ou encore « Ainsi soit-il ».
Bonjour Louis Chedid, on se rencontre aujourd’hui pour parler de votre 19ème album solo « Tout ce qu’on veut dans la vie » sorti le 28 février. Votre précédent album solo date de 2013, quel a été l’élément déclencheur pour vous remettre à l’écriture ?
En fait c’est l’envie, le désir. Je ne fais jamais de disque juste pour faire un disque. Je fais un disque parce que j’en ai besoin je dirais. Parfois il faut attendre un peu plus longtemps. Je me ressource aussi en faisant d’autres choses. Entre 2013 et aujourd’hui, j’ai fait cette tournée familiale qui a pris un certain temps. Après j’ai fait un album en hommage à Georges Brassens, et un à Henri Salvador. J’ai écrit un livre de nouvelles, et « le dictionnaire de ma vie ». La vraie motivation c’est d’avoir envie. Tout d’un coup il y a un moment où ça vous manque tellement, le désir devient tellement puissant, qu’on s’y remet.
Vous avez fait de nombreux albums avant celui-ci. Comment se replonge-t-on dans l’écriture et la composition ? Ne devient-on pas de plus en plus exigeant au fur et à mesure des albums ?
Oui et c’est d’autant plus difficile. Vous avez fait pas mal de disques et des chansons qui ont marqué les gens. A chaque nouvel album, contrairement à ce que certains pensent, la barre est de plus en plus haute. Quand vous sortez un nouveau disque, les gens jugent par rapport à ce que vous avez fait avant. Mais c’est super excitant, car plus on avance et plus il faut sauter haut.
Dans cet album, l’amour est très présent avec des titres comme « Tout ce qu’on veut dans la vie », « J’ai toujours aimé aimer », ou « Ne m’oubliez pas ». Avez-vous peur d’être désaimé ?
Qui n’a pas peur de ça ? Qui n’a pas envie d’être aimé ? En général les artistes sont de grands timides qui ont du mal à parler d’eux et qui ne trouvent rien d’autre comme thérapie que de monter sur scène et de parler de leurs états d’âme, car les chansons sont très autobiographiques finalement. Je n’aimerais pas que plus personne n’apprécie ce que je fais, ou ce que je suis.
Justement pensez-vous que c’est par manque d’amour que le monde part à vau-l’eau ?
Je ne pense pas que le monde parte à vau-l’eau à ce point-là. Ce qu’on nous montre tous les jours est effectivement très violent et négatif, mais la vérité de ce qu’on vit est différente. Quand je rencontre des gens, je ne leur parle pas de choses horribles toute la journée. Les gens que je connais sont lucides. Evidemment si on prend les choses anxiogènes qui viennent de l’extérieur, effectivement on peut se demander dans quel monde on vit. Mais on vit dans un monde beaucoup mieux que ce qu’on nous envoie toute la journée. Je trouve qu’il y a beaucoup d’humanité, beaucoup de gens aident les autres et sont solidaires.
Vous avez dédié cet album à votre petit fils Tao, pour quelle raison particulière ?
J’ai dédié le soldat rose à mes petites filles. C’est le petit nouveau dans la famille et c’était évident que ce soit lui. J’ai dédié des albums à tout le monde.
Avez-vous demandé l’avis de votre entourage pour cet album ?
On fait le même boulot, on se connait bien et on connait bien ce que chacun a fait, donc on fait partie des premiers auditeurs de ce qu’on fait tous. J’attache beaucoup d’importance à la façon dont ma femme, mes enfants apprécient, ou pas, ce que je fais, et vice versa. C’est toujours difficile quand on fait soi-même, de savoir si c’est bien ou pas. C’est en faisant écouter qu’on voit si ça les touche ou non. J’essaie de ne pas juger ce que je fais car je suis le pire critique de moi-même.
Vous avez quelques dates de programmées pour votre tournée, la scène vous manquait-elle à ce point ?
La dernière scène que j’ai faite tout seul c’était en 2014. En 2015, on a fait la tournée familiale, et depuis ce temps-là je n’ai plus fait de scène. Je suis très heureux de repartir en tournée et de retrouver les gens. C’est vraiment un endroit où il n’y a pas d’intermédiaire. On est en face d’eux et on voit comment ils réagissent aux chansons, comment ça vit. C’est la finalité de ce qu’on fait.
Vous avez fait l’album « On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime » avec Mathieu. Auriez-vous envie de faire la même chose avec Joseph et Anna ?
Peut-être. Pour moi Mathieu est un musicien exceptionnel et bien avant qu’il ne fasse des disques, je travaillais avec lui. Je trouve que c’est un très grand guitariste et il est hyper doué. Anna est venue faire des chœurs sur mon album. Il faut que ce soit justifié, que ce soit légitime, et que ça ait un sens musical et artistique, et pas pour d’autres raisons.
On parle beaucoup de visuels, entre les clips et les pochettes d’albums, est-ce un domaine qui vous interpelle et qui vous intéresse ?
Le visuel c’est la première chose que les gens voient, avant même d’entendre les chansons, c’est ça qui les attire, ou pas. C’est important. Je ne privilégie pas l’image mais ça fait partie d’un tout et c’est important que tout soit cohérent, que l’image et le titre de l’album veuillent dire quelque chose.
Que représente la photo de votre album où vous portez un tableau ?
Ça n’a pas véritablement de sens. Visuellement, c’est l’image la plus agréable à regarder par rapport à tout ce qu’on avait fait, et j’aime bien l’idée que chacun y voit ce qu’il veut. Les interprétations de cette pochette vont être énormes mais ce n’est pas la mienne qui est la plus intéressante. C’est comme les chansons. Des gens vous disent que telle chanson leur évoque ça, d’autre vont vous dire sur la même chanson que ça leur évoque autre chose de complètement différent.
Quel est l’artiste qui vous impressionne en ce moment ?
C’est une artiste américaine qui s’appelle Billie Eilish. C’est exceptionnel ce qu’elle fait.
De par votre carrière, vous avez fait de nombreuses collaborations, avec quel artiste souhaiteriez-vous collaborer ?
Je suis auteur compositeur interprète. Quand j’ai commencé à faire des chansons, je n’étais pas sûr de les chanter moi-même. Je me suis rendu compte que mes chansons et mon style étaient très difficile à faire chanter par d’autres. J’ai fait le Soldat Rose où toutes les chansons étaient chantées par d’autres, mais c’était un autre boulot. Ecrire pour l’autre, c’est se mettre dans sa peau ; vous lui écrivez des choses en rapport avec ce qu’il ou elle a vécu. Ce n’est pas ce que je préfère faire.
Vous parliez du soldat rose à l’instant, seriez-vous intéressé de refaire une comédie musicale ?
Ah oui. Pas forcément refaire un conte pour les enfants, mais oui ça me tenterait beaucoup. C’est un travail énorme. C’est 2 ou 3 ans de travail. Il faut trouver le temps, l’opportunité et les moyens de le faire. Et ce n’est pas simple à monter.
Quelle est la chose que vous rêveriez de faire et que vous n’avez pas encore réalisée ?
Si un jour je peux faire un long métrage en tant que réalisateur, je serais très content. Ou un roman. J’ai écrits des nouvelles, mais jamais de roman.
Quelle est la chose qui vous énerve le plus ?
Je dirais l’indifférence. Certains sont tellement égocentré que certaine fois s’en est risible, mais heureusement je n’en connais pas.
Que voudriez-vous que Dieu vous dise devant les portes du Paradis ?
Bienvenu, je pense, car de toute façon je n’aurai pas le choix.
Quel est le livre que l’on trouve sur votre table de chevet en ce moment ?
En ce moment je lis le livre de Pierre Lemaitre qui s’appelle « Miroir de nos peines ». Je trouve que c’est un maître du récit, un peu comme Alexandre Dumas. Il a un don incroyable pour écrire et pour tenir en haleine. J’aime beaucoup ce genre de littérature. Je recommande vivement.
Si vous n’aviez pas été dans la vie artistique, quel métier auriez-vous pu exercer ?
Rien. Je pense que j’aurais été un bon glandeur. Je ne sais vraiment pas ce que j’aurais pu faire d’autre que de la musique.
Que pensez-vous des programmes comme The Voice ?
Je vous avoue que je n’en pense rien du tout car je n’ai jamais regardé, puisque je n’ai pas de télé. Mais dans le principe, et ce que je trouve dommage, c’est que ce ne sont que des chansons connues, les personnes sont uniquement des interprètes. On ne leur demande pas de faire des chansons. Mais d’un autre côté je comprends complètement les jeunes qui le font car c’est une fenêtre ouverte, et ça fait gagner énormément de temps. Mais après, ça peut être dangereux car vous êtes tellement exposé, et le retour de bâton peut faire très mal. Ils le savent tous mais ils tentent leur chance.
Quelle est votre actualité dans les mois à venir ?
C’est la sortie de l’album depuis le 28 février et la tournée ensuite. Et je vais essayer en même temps d’écrire un roman car j’ai une commande, et j’ai très envie de le faire.
Merci beaucoup Louis Chedid. Retrouvez toute son actu sur Facebook