Qui est Doriand ? Voici la question que je me suis posée avant de le rencontrer. Doriand est un immense auteur et artiste. « Elle me dit » de Mika et « Toutes les femmes de ta vie » des L5, c’est lui, mais pas que. Il a collaboré avec de nombreux artistes comme Alain Bashung, Christophe, Philippe Katerine, M, Keren Ann, Mika, et tant d’autres.
Bonjour Doriand, on se voit aujourd’hui pour la sortie de votre album « Portraits » sorti le 24 janvier. Quel a été votre leitmotiv pour sortir cet album avec des reprises et des collaborations ?
C’est l’idée de Sylvain Taillet, directeur artistique chez Barclay, qui est aussi un ami de très longue date, qui m’a dit, tu devrais faire un disque avec tes propres versions des chansons que tu as écrites pour les autres, et demander à tes amis de venir chanter une d’elles pour qu’elles soient défendues autrement. J’ai mis 3 ans à me décider car c’était une démarche à faire d’appeler les amis sans savoir s’ils avaient envie de jouer le jeu. Et puis il y a eu un déclic il y a 2 ans. J’avais envie de renouveau. J’ai appelé Marc Collin, le producteur avec qui j’avais fait mon 1er album, et il a été d’accord pour produire ce disque. On est parti très vite en studio. Ma garde rapprochée d’amis a répondu présent et chacun a choisi sa chanson.
Comment se fait le travail sur une nouvelle chanson, vous écrivez d’abord les textes ou vous composez la musique ?
Ça dépend de la personne avec qui je travaille. Il n’y a vraiment pas de logique. De plus en plus j’écris les textes sur la musique. Je travaille beaucoup pour les autres et en général on m’appelle pour mes textes, et on m’envoie des musiques. Avec Alain Bashung par exemple, j’écrivais un texte sur la musique pour finalement dire, non on part du texte et on improvise la mélodie, pour au final revenir sur la 1ère version. En fait il n’y a pas de règle.
Et avez-vous un cheminement particulier quand vous écrivez vos propres chansons ?
Oui car un album ça se construit un peu comme un roman, avec un début, et une fin. C’est comme une invitation, il faut faire rentrer les gens dans son univers.
Comment est venue l’idée de ressortir 20 ans après la chanson « Danser entre hommes » ?
La chanson était juste écrite, mais elle n’était jamais sortie. On habitait Montmartre à l’époque avec Philippe Katerine, on venait d’arriver chez Barclay. On a écrit cette chanson avec Philippe, mais Barclay ne voulait pas la sortir. On était super déçus, car on voulait s’amuser en faisant quelque chose de très décalé. Récemment en faisant des cartons pour un déménagement, je suis tombé sur ce DAT, qui est une très vieille cassette, et j’ai été très ému, de redécouvrir cette chanson avec nos jeunes voix, et l’image de cette innocence qu’on pouvait avoir à l’époque. J’en ai reparlé récemment à Philippe qui m’a dit on va la faire et on va demander à Mika de la chanter avec nous. Voilà l’histoire de cette chanson.
Vous avez fait de nombreuses collaborations depuis votre album de 2011. Est-ce plus grisant de travailler pour les autres que pour soi-même ?
Les deux me comblent. J’ai besoin, pour nourrir les autres, d’avoir mon propre chaudron, c’est-à-dire, mes chansons, de faire ce qui a fait que j’ai quitté Bordeaux quand j’avais 20 ans pour venir à Paris pour faire de la musique. C’est ce qui m’a donné des ailes pour monter sur Paris car je voulais être interprète et chanter mes propres chansons. Mais c’est très confortable d’écrire pour les autres, on reste dans l’ombre, c’est l’autre qui va être en lumière pour défendre la chanson, nous on est un peu planqué. Au bout d’un moment, j’ai besoin de me confronter au public, de raconter mes propres chansons moi-même et de le faire à ma manière. J’ai réellement besoin des deux.
Pour les titres que vous écrivez pour les autres, comme la chanson pour Mika ou celle pour les L5, est-ce parti d’une commande, vous donne-t-on un thème précis ?
Pour les L5 effectivement c’était une commande. Tous les auteurs parisiens avaient été contactés, il y avait une compétition énorme. J’avais envoyé plein de textes qui avaient été refusés, dont « Toutes les femmes de ta vie ». J’ai rencontré les 5 filles qui avaient repéré un autre texte de moi « Où sont les hommes ». Elles m’ont fait venir, et c’est là que j’ai présenté d’autres chansons. C’était un sacré challenge car écrire un texte pour 5 filles en même temps ce n’est pas le même exercice. Ecrire une chanson pop comme celle-ci m’a aidé ensuite pour écrire pour des gens comme Mika, qui ont ce sens de la pop.
Pour les autres artistes, on part s’isoler quelques jours pour travailler ensemble sur les chansons. Ça été ça avec Alain Bashung que j’allais voir tous les lundis pendant presqu’un an. On se mettait à la table de sa cuisine et on travaillait les chansons de son album. Pareil pour Michel Polnareff avec qui je suis parti 80 jours aux Etats-Unis, pour l’aider à terminer les textes qui lui manquaient. Pour moi écrire pour quelqu’un c’est un engagement, et je n’ai pas peur de laisser ma vie en suspens pendant ce temps-là, afin de donner le meilleur de moi-même. J’ai été très touché par ce que m’a dit Michel. Il disait que j’étais un peu comme un paysagiste, que j’avais créé un dôme au-dessus de lui et de ce projet, pour justement l’aider à avoir cette vision qui lui manquait pour pouvoir terminer son album. J’ai eu à ce moment-là le sentiment d’être utile et d’accompagner quelqu’un dans un process parfois compliqué car on peut avoir des blocages.
J’ai lu dans une interview qu’on vous décrivait comme «une machine à tubes », comment réagissez-vous à ça ?
Je ne sais pas si la personne qui a dit ça connait l’ensemble de mon travail. Ce serait tellement chouette d’écrire un tube tout le temps, mais ce n’est pas si simple. Une chanson qui marche c’est ce qui est le plus difficile à faire. Ecrire des belles chansons, on est énormément d’artistes à pouvoir le faire. Ecrire de bonnes chansons, c’est beaucoup plus difficile.
Beaucoup d’artistes n’aiment pas être comparés à d’autres, comment réagissez-vous quand on vous définit comme le successeur de Daho ?
C’est quelqu’un qui fait partie de ma famille artistique et c’est un ami en plus. Après, bizarrement je ne trouve pas avoir la même voix que lui. Quand quelqu’un n’est pas assez connu, on a toujours besoin de le rapprocher d’une voix qu’on connait mieux. Ça ne me dérange pas du tout, c’est même une très belle référence. Je me dirais plus proche d’Alain Chamfort de par les textes, lui qui a travaillé énormément avec Jacques Duvall, qui est pour moi un mentor dans l’écriture de chansons. Et je me sens plus proche de Chamfort au niveau de l’attitude et de la manière d’interpréter.
Plusieurs clips de vos chansons sont déjà sortis, quelle est votre relation au visuel ?
Il faut faire confiance, mais on est obligé de s’y intéresser. Les artistes d’aujourd’hui ont tendance à vouloir tout faire. C’est super car c’est aussi une manière d’aller au bout de ce qu’on a en tête. J’aime beaucoup faire confiance, car parfois on se fait surprendre. Les personnes qui m’accompagneront sur scène, par exemple, sont de jeunes musiciens. C’est comme pour la pochette de l’album qui a été faite par Marc Majewski dont j’aime beaucoup le travail, en qui j’ai donné toute ma confiance, et le résultat est magnifique.
Avec quel artiste souhaiteriez-vous collaborer ?
J’adorerais écrire pour Vanessa Paradis. Sinon, je suis très sensible à la nouvelle génération pop. J’aime beaucoup ce que fait Dani Terreur. Il y a beaucoup d’artistes très intéressants en ce moment comme Alice et moi, Marie-Flore, Clara Luciani, Juliette Armanet. Je suis ravi de ce retour de la chanson française, très bien écrite, assez exigeante, et en même temps très pop.
Justement, en parlant de jeune génération, que pensez-vous des émissions comme « The Voice » ?
Il faut voir ça comme un jeu. Comme le petit conservatoire de Mireille était un jeu à l’époque. On découvre des personnes qui sont des interprètes. On ne parle pas de gens qui écrivent leurs chansons car là c’est un chemin plus long. Ça a été le mien, celui de Philippe Katherine, de Mika, de Keren Ann, de Edith Fambuena, etc. Effectivement ces interprètes passent pas ces émissions pour faire découvrir leur voix, et pourquoi pas ? C’est un ascenseur, un accélérateur, mais il faut faire attention au retour qui peut être très sévère, car ils ont vu les émissions précédentes et savent qu’il y a très peu d’élus. Mais ce n’est pas le chemin qu’on prend quand on veut devenir un songwriter.
Quelle est votre actualité dans les mois à venir ?
Je n’ai pas de tournée de prévue pour l’instant mais je commence à répéter des lives pour les radios. Je pense qu’il y aura des dates au Printemps.
Quel métier auriez-vous aimé faire si vous n’aviez pas été artiste ?
Je pense pâtissier car j’adore toujours autant faire des gâteaux. La pâtisserie est très proche de la musique, car c’est une question de chimie, d’alchimie, de dose. Dans une chanson, si on est auteur, on est un ingrédient, ensuite il y a la composition, la réalisation, l’interprétation, la production de la chanson. J’avais une espèce d’inconscience et d’insouciance. On est parti à trois dans une voiture, on n’avait jamais mis les pieds à Paris. Il y avait mon ami Alexandre Vauthier, qui voulait travailler dans la mode, et une autre amie qui voulait faire du journalisme, et au final on est tous arrivés à ce qu’on voulait.
Que voudriez-vous que Dieu vous dise devant les portes du paradis ?
Mais repars tout de suite, qu’est-ce que tu fous là (rires)
Quel est votre livre de chevet ?
En ce moment je me régale avec les « nouvelles morales provisoires » de Raphaël Enthoven. Ce sont des chapitres très cours et ça me détend énormément. Sinon j’adore « Bel Ami » de Maupassant que je trouve extrêmement moderne, qui symbolise beaucoup ce qui peut se passer dans le métier aujourd’hui, le rapport au succès, le travail. C’est un livre qui m’accompagne.
Que diriez-vous au jeune Doriand de 10 ans si vous le croisiez dans la rue ?
Je lui dirais t’inquiètes pas, car moi-même je m’inquiétais de ne pas réussir à réaliser mes rêves. Je rêvais d’écrire pour Lio, et pour tant d’autres, et au final j’ai réussi. Je n’ai pas réalisé tous mes rêves mais j’ai réalisé l’essentiel.
Merci beaucoup Doriand
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