Qu’en restera-t-il ? Tim Dup se confie sur son dernier album

Certains l’attendaient avec impatience, d’autres le découvriront par curiosité… Le deuxième album de Tim Dup, paru ce vendredi 10 janvier a tout d’une véritable œuvre d’art. Mêlant poésie, mélodie et photographie, chacun des 13 titres qui le compose est associé à une histoire, un souvenir, une personne, une inquiétude… Qu’en restera-t-il de nous, de la société, de nos relations, de la planète ? Autant de thèmes qui animent cet album.

A cette occasion, nous avons rencontré cet artiste qui, du haut de ses 25 ans nous prouve une nouvelle fois son talent pour donner vie à la langue française en chanson. 

En quelques mots, peux-tu nous dire les messages que tu as voulu faire passer avec ce deuxième album ?

A la fois j’ai essayé de ne pas trop anticiper, de laisser les chansons venir d’elles-mêmes et en même temps j’ai voulu être plus concerné, avec plus d’engagement et de ne pas m’empêcher d’écrire certaines choses. Ensuite, il y a évidemment ce titre, cette question « qu’en restera-t-il ? » qui est en filigrane sur tout l’album qui pose la question du fait d’être de passage, du côté éphémère, du temps qui passe… Mais c’est aussi une question universelle qui peux s’appliquer à l’amour, aux relations, aux sociétés, à la planète. Il y a aussi le thème écologique qui revient parce que c’est une question qui me travaille. Les voyages m’ont beaucoup inspirés également. Même parfois avant de partir, j’ai écrit des chansons tellement j’anticipais le voyage, comme pour le Japon.

Qu’est ce qui fait de « Place Espoir » ta chanson préférée ?

Elle cristallise quelque chose de très essentiel et je suis très content de l’histoire de cette chanson. C’est un piano-voix sans artifice, donc on se concentre uniquement sur la mélodie et le texte. Il y a à la fois le côté politique de cette place, c’est un point central qui joue un rôle historique, qui rassemble et qui voit le temps passer avec ses combats. Et j’aime bien aussi l’idée très ordinaire de cette place, un peu comme dans « TER Centre » où plein de gens se croisent au quotidien, en vélo, à pieds, en métro mais ne se connaissent pas. Chaque personne que tu croises dans la rue a une histoire, une famille, un quotidien, des problèmes… C’est l’idée du clip.

Qui te rejoins à la fin d’ « Une Autre Histoire d’Amour » ?

C’est Flore Benguigui, la chanteuse de l’Impératrice, c’est une super amie ! On a été en coloc’ ensemble et je trouvais ça chouette d’avoir un clin d’œil féminin à la fin de cette chanson pour dire que ce n’est pas une question de genre, simplement qu’il y a des gens réservés qui n’osent pas s’asseoir à côté des autres. Et c’est aussi une présence amicale sur le disque.

Qu’est-ce que c’est pour toi « l’Aventure » ?

L’Aventure pour moi c’est un peu la vie. Faire sa route avec ses choix, son contexte, ses origines… Ça m’est venu d’une phrase d’Alberto Giacometti, un sculpteur qui disait « La grande aventure c’est de voir surgir quelque chose d’inconnu, chaque jour, dans le même visage. C’est plus grand que tous les voyages autour du monde ». Et ça me faisait penser un peu à mes grands-parents. La chanson « l’Aventure » est née du fait qu’ils ont eu 60 ans de vie commune et quand ma grand-mère est partie, j’ai eu l’impression que mon grand-père la cherchait dans tout ce qu’il pouvait, dans les yeux des arrières petits-enfants, dans les vagues…

Peux-tu nous raconter ton duo avec Gaël Faye sur « Porte du Soleil » ?

Avec Gaël on s’est rencontré il y a quelques années, je me rappelle qu’on avait pris un café à Porte de Clignancourt. J’avais beaucoup écouté son premier album  et on s’est très bien entendus. Je voulais vraiment faire quelque chose avec lui mais on n’avait jamais eu le temps ensuite car il a sorti son livre. On a fini notre tournée le même jour, lui à l’Olympia et moi à Pleyel et on s’est rejoint pour l’after. Là on s’est promis de faire une collaboration. Quelques mois plus tard, je lui ai envoyé la chanson et ça lui a plu. Il a écrit ce couplet tout en délicatesse. Je trouve qu’il a une écriture tellement ciselée, avec peu de mots mais toujours justes. Je suis super heureux et honoré qu’il soit sur cet album.

Est-ce que « RhumCoca » est un peu la suite de « Bons Vivants » ?

Il y a un côté mi-insouciance et mi-gueule de bois oui (rires) !. Mais Bons Vivants est plus naïf alors que dans RhumCoca j’ai essayé de pousser le texte dans mes failles, en parlant du soir et de l’ivresse. J’aime bien cette idée de lâcher prise dans ce titre. Ça m’amuse d’avoir un album avec un tel contraste où dans une chanson je dis « J’ai voulu la nuit baiser la Terre entière » et dans une autre « J’alambique les nuages, je distille le jour » (rires).

La chanson « Pertusato » m’a beaucoup intriguée. Le refrain est chanté en quelle langue ?

C’est du bonifacien, un dialecte corse de Bonifacio, que mon grand-père parlait. Les copains de mon cousin ont traduit ce texte que j’avais écrit en français « Je me rappelle des souvenirs en famille, je les garde et je les protège pour ne jamais les oublier ». Pertusato, c’est le phare le plus au sud de la Corse. C’est une chanson qui parle de ma grand-mère. Et pour moi ce phare symbolise beaucoup de souvenirs d’enfance, de cousinades, de bains de minuit, de virées en bateau…

Je me souviens t’avoir rencontré au Printemps de Bourges en 2017, où tu faisais l’ouverture. Comment as-tu évolué depuis ?

J’ai eu deux ans et demi de tournée et j’en retiens la rencontre d’un public. C’est le plus beau et c’est pour ça que j’aime faire ce métier. J’ai beaucoup appris, déjà musicalement. On trouve plus de nuances, de précision en devenant professionnel. On rencontre des gens qui nous inspirent énormément et nous poussent à travailler davantage et aller au bout des choses. J’ai appris aussi sur moi-même, déjà sur le fait que j’avais envie de faire ce métier. Après la tournée, j’ai aussi eu le besoin de partir. Je suis un peu une éponge et il fallait que j’aille chercher l’inspiration. Simplement me remettre à lire des bouquins, voir des films, faire des expos, retrouver mes proches… Revenir à l’ordinaire, ça me fait du bien et ça m’aide à écrire.

Qu’est-ce que tu ressens à l’idée de partager la scène avec Vincent Delerm aux Francofolies ?

J’ai hâte ! Je connais bien Vincent, il a toujours été très cool avec moi depuis que j’ai commencé, il a souvent parlé de moi dans les interview etc. Vincent Delerm, c’est aussi un de mes tous premiers concerts à La Cigale. J’étais vraiment petit et je m’en souviens encore ! J’aime beaucoup les histoires qu’il raconte et sa façon de parler des gens, du quotidien. J’ai été voir son dernier spectacle à la Cigale, c’était sublime. Donc je suis très heureux et honoré de jouer avant lui. En plus j’aime beaucoup les Francofolies où j’avais déjà joué dans le petit théâtre et là c’est le grand.

Quel est l’endroit où tu rêverais de jouer ?

L’Olympia quand même. Et après dans un endroit qui n’a aucun sens, je ne sais pas encore lequel mais j’aimerais vraiment. Jouer sur une plage ou en plein montagne…

Lors de ta tournée 2020, seras-tu toujours seul sur scène ?

Non ! J’aurai un vrai piano droit avec toutes mes machines et deux violoncellistes m’accompagneront. Je voulais insuffler l’aspect plus organique de l’album et le prolonger sur scène.

Comme tu le disais, on te sent engagé dans tes chansons, sur tes réseaux sociaux… Penses-tu que les artistes ont un rôle à jouer dans la mobilisation des jeunes aujourd’hui ?

Je crois oui. J’ai mis du temps. On en a beaucoup discuté avec Gaël notamment et c’est lui qui m’a aussi un peu convaincu du fait que l’artiste a aussi son rôle à jouer : faire passer des idées, faire réfléchir, sans être partisan ou donner des leçons. Aujourd’hui j’ai l’impression que les gens qui régissent cette société sont complètement déconnectés des réalités. La musique et les chansons peuvent être de bonnes passagères des réalités des gens. Je sais qu’il y a pas mal de jeunes qui me suivent et je préfère qu’ils réfléchissent sur des causes qui moi me semblent justes, bienveillantes, essentielles, plutôt qu’essayer de faire le buzz en déblatérant toute ma haine. On a une parole, autant l’utiliser simplement, humblement. Et on n’a pas le choix, on est une génération qui est complètement confrontée à ça, c’est difficile de se taire. Je le fais en premier lieux en tant qu’être humain d’ailleurs. Ce sont des sujets qui me touchent et ça me semble essentiel d’en parler.

D’où t’es venu l’idée de l’exposition ?

Cette salle d’exposition appartient à des amis donc j’ai eu cette idée et ils ont accepté. Je trouvais ça cool pour le public de rentrer dans l’album d’une autre façon. Il y a plein de photos de voyage, de nouvelles, un documentaire… Pour aller plus loin que les chansons et les comprendre  différemment.

Chronique album / Live report