HUBERT FELIX THIEFAINE, est sur la route. A 70 ans, pour fêter ses « 40 ans de chansons », il nous offre, en ce vendredi 9 novembre 2018, Bercy comme en 1998 (en 1978 il était peut être prêt mais la salle n’existait pas !)
J’attendais cette date avec impatience et j’avais prévenu : « Ne m’attends pas ce soir car la nuit sera noire et blanche, illuminée » ; donc «…j’ai pris la première tangente pour…» Bercy « où ce soir la musique se fait bandante ».
Le concert débute par « 22 mai », d’emblée, on souffle les 40 bougies avec cette chanson présente sur le premier album culte de 1978 « Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s’émouvoir … », mais vous le saviez (tous ou déjà) non ? Cet album sera le mieux représenté de la soirée avec 6 titres joués et une réplique de la pochette sur la grosse caisse.
L’entame est assurément très rock avec des guitares électriques très présentes. Après « Stalag tilt », changement d’atmosphère pour un « Eloge à la tristesse » avec violoncelle et cuivre. J’ai fait les comptes, il y a 10 musiciens pour accompagner HUBERT FELIX THIEFAINE. Bruce Cherbil à la batterie, Christophe Board : piano et clavier, Marc Périer : basse, Lucas Thiéfaine : guitare, Yann Péchin : guitare slide, 12 cordes, banjo et mandoline, Alice Botté : guitare, Frédéric Scamps : clavier et orgue, Fred Gastard : saxophone basse, Jeff Assy et Maëva Berre : violoncelle
On voyage dans la carrière d’HUBERT FELIX THIEFAINE. Les années 80’s avec « Les dingues et les paumés », puis les années 2000 avec « Le jeu de la folie » pour revenir dans les 90’s avec « Crépuscule transfert » durant laquelle, s’exprime la créativité des lumières. Les tableaux sont d’une beauté élégante et délicate.
Ensuite, virage dans « La ruelle des morts », (chanson reprise par Gauvain Sers durant ses concerts en hommage) et l’on y croise « La vierge au Dodge 51 », morceau qui débouche non pas sur « … un enterrement de première classe » mais sur une ovation générale et puissante du public. HUBERT FELIX THIEFAINE touché, nous remercie longuement.
Avant « Septembre rose » dédié à son fils Hugo, HUBERT FELIX THIEFAINE lui rend hommage pour son implication dans cette tournée et la réédition de la totalité des albums. Du concert en général et de cette chanson en particulier, se dégage une force, une beauté, un travail technique aboutit, avec un HUBERT FELIX dont émane quiétude et sérénité. Suit « Lorelei sebasto cha » très groovy sur une orchestration remarquable, interprété avec saxo, violoncelles et banjo dans un habillage de lumières magnifiant l’espace et les musiciens. Les spectateurs ne s’y trompent pas à en juger la clameur, notamment dans la fosse où chacun est « un Bipède à station verticale, toujours faut se tenir debout » pour mieux apprécier ces moments.
Chers lecteurs, je suis pris au piège, le piège des « 40 ans de chansons ». Impossible de commenter chacune de la trentaine interprétées ce soir. Et pourtant elles le mériteraient ! Il le mérite ! Combien sont-ils à pouvoir revendiquer « 40 ans de chansons » ? Combien remplissent Bercy après 40 ans de carrière ?
Je suis donc dans l’obligation de sélectionner de façon la moins subjective et presque statistique. Avec cette tournée, HUBERT FELIX THIEFAINE a revisité tous ses albums studio (exception faite de sa collaboration avec Paul Personne), en favorisant les années 78 79 et 82. Quelle aubaine pour ceux, qui, comme moi, ont grandi avec ces albums vinyles écoutés des heures durant sur une platine disque. Pour l’anecdote, en 40 ans « Le fou a chanté 17 fois » et HUBERT FELIX a sorti 17 albums studio.
Rendez-vous compte, le même soir, dans le même concert, écouter « Mathématiques souterraines », « L’agence des amants de madame Muller » dans une version très groove, « Je t’en remets au vent » avec des violoncelles qui, si tu ne chiales pas, te collent des frissons dans le dos, suivi par « La dèche, le twist et le reste » joué au piano et violoncelles, bon bah là, toute personne à qui il reste une once d’humanité est bouleversée, retournée. Fin du concert. 1h30 c’est peu même si c’est de qualité ! Mais l’artiste est généreux, il revient pour « Un automne à Tanger » avec son fils Lucas à la guitare acoustique accompagné des deux violoncellistes. Le moment est grave, bouleversant et magique. HUBERT FELIX THIEFAINE semble goûter sereinement cet instant à côté de son fils face à son public.
Des paroles me reviennent « …j’suis un vieux désespoir de la chanson française qui fait blinder ses tiags pour marcher quand ça loose » … non mais on rêve !
Abandonnons le spleen, remontons la pente émotionnelle, et pour se faire quoi de mieux que «L’ascenseur de 22h43 ». Effectivement HUBERT FELIX si « Tu cherches un préambule, quelque chose qui nous foute en transe, qui fasse mousser nos bulles » alors cette version est parfaite avec son final survolté. Autre retour, dans les souvenirs de mon adolescence avec un «Enfermé dans les cabinets » vraiment speedé ! Puis en apothéose, « Alligator 427 » joué dans un crescendo implacable, les guitares hurlent sur un rythme martelé et envoûtant pour se conclure en frénésie extatique : « …mes synapses explosent en millions d’étincelles »
La farandole de vieux standards se poursuit par « Sweet amanite phalloïde queen » et un solo mortel de Lucas qui nous précipite vers la maison « Borniol » chanté par un HUBERT FELIX THIEFAINE, en queue de pie et haute forme, tel le fossoyeur de la BD Lucky Luke. Au milieu de cette atmosphère funeste, le corbeau du décor prend vie et s’anime. Après un « Soleil cherche futur » rituel, « Coupable » nous secoue par l’énergie des guitares omniprésentes. Certes, l’écart est grand avec les versions originales et c’est ça qui est bon ! La vigueur de la jeunesse du fils au service des compos du père, très belle fusion et message fort.
Félicitations à : Sergio Esteban pour le décor, Laurent Garnier pour la création lumière, Jean Marc Hauser et Sébastien Rouget pour le son.
Après 2h40, HUBERT FELIX THIEFAINE clôture le concert en entonnant avec l’auditoire « On s’est aimé dans les maïs » comme un dernier frisson de communion comme «… Après de vagues lueurs / d’ultimes prolongations on repart à genoux, le cœur sous perfusion au bord de la faillite mentale mais sans passion des adieux », certains reprennent « La fille du coupeur de joint » en sortant de la salle, et arrivés à l’extérieur sont « …Suivis d´un vieil écho jouant du rock’n’roll Puis s´enfoncent comme des rats dans leurs banlieues by night ».
Monsieur THIEFAINE, vous qui avez écrit «…Je reste et je survis sans doute par élégance Peut-être par courtoisie », alors merci à votre élégance et à votre courtoisie, nous avons vécu une belle soirée.
Ce superbe concert a été capté, les absents pourront le vivre et les présents le revivre très bientôt, à suivre sur :
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