Échappée d’un temps pluvieux, Clara Luciani se dévoile en un premier album lumineux, solaire. Une Sainte Victoire sur le passé, tout simplement.
On ne va pas se mentir, la place de Clara Luciani au sein du groupe La Femme n’était pas forcément une évidence. C’était même la surprise, lorsque nous l’avions rencontré il y a un an et que nous apprenions ce début de parcours. Au même moment, elle nous présentait son EP, Monstre d’amour, sorte de cicatrice émanent d’une blessure d’amour (L’interview). Rien ne cachait l’arrivée évidente d’un format plus long, plus préparé, plus engagé. 12 mois plus tard, Sainte Victoire crève l’abcès, de manière – semblerait-il- définitive. « Seule à crever » chantait-elle auparavant. Plus maintenant, promis. En un album, Clara Luciani aura menée à la perfection son cheminement, vaquant même jusqu’à la confirmation d’une future immense artiste.
Si ce disque au solide propos (un féminisme certain, débroussaillé du cliché), mais à la forme plutôt courte (à peine 40 minutes) vaut son lot d’écoutes, c’est que rien est à jeter. En plusieurs mois, la musicienne, bien accompagnée, a construit onze morceaux, de l’os à la chair, afin qu’ils retranscrivent au mieux son image. Celle d’une femme, d’abord, affirmée mais jamais prévisible.
La grenade, titre d’ouverture, pose le décor au ciment. « Sous mon sein, une grenade » est d’ailleurs le dernier soupir de l’album, segment final du titre éponyme Sainte Victoire. Le concept se dégoupille d’emblée et rayonne. Si La baie (reprise 100% francophone de l’hymne de Metronomy) est l’unique moment libertaire, loin des pensées lugubres et de la remise en question, Luciani maintient son idée de renouveau et affirme qu’On ne meurt pas d’amour. Si ce dernier morceau faiblit dans un refrain moins percutant, aucun point de faiblesse lorsqu’il s’agit de façonner l’introspection en musique. Eddy, l’aérien, ose et l’ombre de Barbara plane, sans aucun doute, dans une structure en léger crescendo.
Sainte Victoire reste un album de combat. Se frictionne les désirs d’arriver au bout d’un tunnel, de briser la routine. Les fleurs, magnifique cris du cœur à la production voluptueuse, tasse le terrain pour le diptyque Drôle d’époque/Monstre d’amour. Le regret, la peur d’échouer, Clara Luciani l’a compris et tire son propre portrait, sans filtre. Dans une logique implacable, la production de La dernière fois inscrit un sentiment d’ironie, guitare tout en retenue. Rien empêche le pont de nous embarquer dans une rêverie irrésistible. Qu’on ne quittera pas. Dors agit comme baume réparateur, ode nocturne à l’espoir. Au bout de cet album, il reste un mur immaculé de polaroids, tous symboles de moments révolus, jaunis par le temps. La suite, Clara Luciani en demeure sa propre maîtresse, car « l’envie de vivre est irrésistible ». Longue vie à la féminité, en musique comme ailleurs. Corrélons cela à un contemporain de cette gloire, Her : « La femme n’existe pas, mais il y a des femmes. Pas une seule femme ne peut représenter la femme ». En voilà, en tout cas, une sacrée guerrière.
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